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7 octobre 2021

Travailler. La grande affaire de l’humanité,


Pourquoi sommes-nous des fous de boulot ?
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Notre obsession pour la productivité nous fait bosser toujours plus. Au point que le travail perd peu à peu de son sens, estime l'anthropologue James Suzman dans son dernier livre.

Avec la quatrième révolution industrielle, celle des nouvelles technologies numériques, biologiques et physiques, on est loin de moins travailler. (Westend61/Getty Images)

par Lucas Sarafian
publié le 6 octobre 2021 à 5h10

En 2013, Miwa Sado, journaliste japonaise, est morte subitement à 31 ans dans l'exercice de ses fonctions, téléphone encore en main. Une enquête du ministère du Travail a conclu que cette tragédie devait être classée en tant que «mort par surmenage». En effet, le mois précédent son décès, ses relevés informatiques et téléphoniques ont révélé qu'elle avait effectué au moins 209 heures supplémentaires. Comment en est-on arrivé là ? Dans Travailler. La grande affaire de l'humanité (Flammarion, 2021), l'anthropologue James Suzman remonte aux origines du travail et de nos vies et arrive à ce constat : aujourd'hui, nous travaillons trop.

Cet épuisement lié au travail, la tribu des Bushmen Ju/'hoansi, que l'auteur a étudiée pendant de nombreuses années, ne peut pas le connaître. Eux qui mènent une vie de chasseurs-cueilleurs, dans le désert de Kalahari en Namibie, travaillent exclusivement dans un seul but : répondre à leurs besoins matériels immédiats. Pour Suzman, le mode de vie de cette communauté nomade prouve bien qu'il n'est pas dans notre nature d'être obsédé par le travail. Se pose alors une question : pourquoi dédions-nous toute notre journée au travail alors que quelques heures seraient suffisantes comme le faisaient les chasseurs-cueilleurs ?

Sa réponse est de dire que le travail a été détourné de sa fonction initiale. Alors que son temps s'allonge sans cesse, il ne cherche plus à répondre à nos besoins essentiels. Aujourd'hui, dans les sociétés occidentales, le travail a effectué un mitage insidieux dans nos quotidiens. Les personnes que l'on fréquente et qui nous influencent le plus sont celles que l'on côtoie au boulot. «Ce que nous accomplissons définit aussi ce que nous sommes», souligne Suzman.
L'obsession de produire toujours plus

Une tendance, qui s'est accentuée au tournant du XXIe siècle, mais qui est née de l'obsession des sociétés pour la croissance et la productivité, et de l'héritage de deux évolutions essentielles que sont l'adoption de l'agriculture comme mode majoritaire de production et le rassemblement des hommes dans les villes. Résultat ? Le travail n'est plus consacré «directement à l'acquisition des ressources énergétiques dont [la population] avait besoin pour survivre». Une pensée qui sèmera ses graines au point de donner naissance à la peur de ne plus produire assez et l'envie d'accumuler toujours plus de richesses. Un cercle vicieux s'installe et il devient impossible de s'arrêter de travailler.

Aujourd'hui, l'heure est à la quatrième révolution industrielle : celle des nouvelles technologies numériques, biologiques et physiques. Si des inquiétudes émergent quant à l'arrivée des robots ou des machines nées de l'intelligence artificielle sur le marché du travail, James Suzman regrette que ces progrès techniques n'allègent pas «le poids de notre obsession pour la croissance économique» et ne nous permettent pas de moins travailler. Ce recul du travail, d'autres en avaient rêvé : Adam Smith imaginait au XVIIIe siècle que des «machines ingénieuses» allaient abréger et faciliter le travail. John Maynard Keynes y croyait fermement, jusqu'à imaginer une semaine de quinze heures. Une chose est sûre : tous se sont trompés. Pour l'instant ?
Travailler. La grande affaire de l'humanité, James Suzman, Flammarion, 480 pp., 23,90 €.

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