Une enquête, aussi intéressante que rare, montre à quel point les Français associent le handicap au malheur et à la souffrance. Ils perçoivent les personnes handicapées comme moins capables d’être membres à part entière de la société. 36 % estiment même qu’il est juste de leur restreindre l’accès à certains droits.
Une grande campagne nationale de sensibilisation. Emmanuel Macron l’avait promise, lors de la conférence nationale du handicap de février 2020. Elle arrivera sur les écrans à la mi-octobre pour contribuer à « changer le regard » de la société sur le handicap.
Il y a du boulot, à en croire les résultats d’une étude commandée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur les représentations et les préjugés. Le Gouvernement a, en effet, confié à cette autorité indépendante la mission de l’éclairer sur la préparation de la campagne.
Un échantillon de 2 000 répondants

En avril 2021, plus de 2 000 femmes et hommes ont répondu à un questionnaire en ligne. « Globalement, les jugements exprimés sont peu souvent radicaux », analyse la sociologue du handicap Cindy Lebat, consultante auprès de la CNCDH. Ce qui n’a rien d’étonnant, les personnes interrogées ont tendance à exprimer des avis jugés socialement acceptables.
Exemple : 89 % déclarent se sentir prêts à travailler avec une personne en situation de handicap (ce qui signifie quand même qu’un sur dix ne le souhaite pas).
Le handicap, un obstacle au bonheur
Mais passées les déclarations de bonnes intentions, les questions plus ciblées dévoilent l’image négative associée au handicap. Un tiers des Français estiment qu’un collègue devenant handicapé risque de « troubler les clients ».
Plus généralement, 64 % des personnes interrogées pensent que le handicap est un obstacle au bonheur et à une vie épanouie. Et près d’une personne sur deux déclare qu’elle serait inquiète si son enfant se mariait avec un conjoint handicapé.
« Conscience du manque d’adaptation de la société »
« Ces réponses peuvent être le reflet d’une conscience du manque d’adaptation de la société face aux situations induites par les différentes déficiences », précise Cindy Lebat.
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« Toutefois il semble difficile d’imaginer, pour une grande partie de la population, que le handicap puisse être lié à une identité positive, poursuit-elle. Il est d’abord ramené à la déficience fonctionnelle et aux difficultés que cette déficience engendre. »
Un mouvement de rejet du handicap
Plus inquiétant, certains chiffres témoignent même d’un phénomène de rejet. 31 % des Français pensent, en effet, qu’il « vaut mieux éviter que les personnes en situation de handicap aient des enfants ». Et si elles en ont, 19 % jugent préférable de les confier à une autre personne ou à une institution.
« Et si un de vos enfants se retrouvait handicapé sévèrement suite à un accident ou à une maladie ? » 23 % avouent alors qu’ils auraient des difficultés à être fiers de lui.
Le handicap, un incident à vite réparer ou une tragédie pour la vie
« Le handicap n’est globalement pas perçu comme une étape marquant une transition dans un parcours de vie, et pouvant potentiellement ouvrir à la construction d’une identité positive, analyse Cindy Lebat. Il apparaît davantage soit comme un incident, qu’il importe de vite réparer pour revenir à une vie normale, soit comme une tragédie marquant le début d’une vie de souffrance et de tristesse. »
Cette perception laisse peu de place à la possibilité de voir la personne en situation de handicap comme capable de trouver une place dans la société, avec son handicap. 36 % des Français estiment ainsi qu’il est justifié de restreindre l’accès à certains droits du fait de certains handicaps.
Le regard, aussi une affaire de droits
« On ne peut pas demander aux Français de changer de regard sur le handicap sans, dans le même temps, rendre la société plus accessible aux personnes handicapées, pointe Cindy Lebat. Les deux vont de pair. » Communiquer, oui, mais pas sans agir pour les droits.