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La Vache En Liberté

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29 octobre 2022

Histoire du magnétisme

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_magn%C3%A9tisme

 

Le magnétisme désigne l'ensemble des phénomènes qui ont lieu à l'intérieur et autour de matériaux aimantés. Cette aimantation peut être naturelle ou le résultat d'un champ d'induction (électrique ou magnétique). Il existe de nombreuses applications du magnétisme et pour de nombreux domaines différents (informatique, médecine, physique des particules...). Dans cet article, seules les principales applications et expériences de l'histoire du magnétisme seront citées. Les techniques utilisant ou caractérisant le magnétisme seront présentées, de l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui.

De l'antiquité jusqu'au XVIIe siècle : l'origine du magnétisme et les premières applications

L’histoire du magnétisme repose sur une durée longue de 3000 ans. On ne sait ni ou ni quand il a été découvert, cependant quatre pistes restent envisageable : en Égypte et à Sumer, en Amérique centrale, en Chine et enfin en Grèce1.

La découverte du magnétisme

Cette histoire repose sur deux phénomènes d'attractions incompris et confondus durant l’antiquité : celle d’un morceau de fer par la pierre d’aimant et celle de la paille par un morceau d’ambre frotté. L’observation du magnétisme repose sur la découverte de pierres qui pouvaient attirer le fer. Ces pierres ont été découvertes dans la région de Magnésie en Asie mineure, cette région a donc donné le nom de magnétisme au phénomène.

En Égypte et à Sumer ce sont les plus anciennes traces de matériaux ferromagnétiques qui ont été découvertes dans des tombes datées de 4000 ans av. J.-C. À ce jour il reste une question en suspens, les Égyptiens et les Sumériens avaient-ils découvert les propriétés magnétiques de tels matériaux ?

La civilisation chinoise nous livre dès la période des Royaumes combattants, dans l'encyclopédie Guanzi, le plus vieil écrit parlant de la pierre d’aimant[à vérifier][réf. nécessaire].

Les Olmèques, peuples précolombiens de Mésoamérique, auraient découvert et utilisé le magnétisme 1000 ans avant les Chinois et seraient donc le peuple précurseur.

Pour ce qui est des Grecs, on attribue à Aristote ce qu'on pourrait appeler la première « discussion scientifique » sur le magnétisme avec Thalès de Milet, qui a vécu entre 625 et 545 av. J.-C. Thalès attribue une âme à l’aimant puisque celui-ci a la propriété de faire mouvoir des objets. Plus tard Démocrite (460 - 370 av. J.-C.) tentera une explication du phénomène en argumentant que : « les atomes de l’aimant pénètrent au milieu du fer pour les agiter ». La théorie de la présence d’une âme dans l’aimant restera ancrée dans les pensées jusqu’au XIIIe siècle.

L’utilisation du magnétisme

Texte alternatif
Boussole chinoise « Si Nan » de la Dynastie Han

Les chinois furent la première civilisation à incorporer le magnétisme dans leur science occulte avec une cuillère en pierre de magnétite, cette cuillère est l’ancêtre de la boussole2. Les experts en géomancie se servaient de cette cuillère auquel ils attribuaient des pouvoirs divins pour construire des villes qui seraient « en harmonie avec les cieux ». L’empereur devait même tracer une fois par an un sillon dans la bonne direction (indiqué par la cuillère) pour s’assurer de belles récoltes. Cette « boussole » n’était donc pas destinée à s’orienter. La boussole telle qu’on la connait (en tant qu’instrument de navigation) est apparue bien plus tard. On a tout d’abord cru qu’elle était apparue au IVe siècle av. J.-C., cependant ce serait un autre objet, le chariot pointant vers le sud, qui aurait vu le jour à cette époque. L’emploi d’un compas magnétique terrestre daterait de 1044 et l’utilisation de cet objet pour la navigation aurait eu lieu en 1117. De plus en 1044, Zeng Gongliang décrit un procédé pour créer un « poisson directif » : «  on découpe une pièce de fer très fine en forme de poisson… on la porte au rouge dans le feu de charbon et on la retire avec une pince. La queue restant orientée vers le nord, on la trempe dans l’eau pendant quelques minutes. » Mais ce sera Shen Kuo qui décrira pour la première fois la « vraie boussole » dans son livre intitulé « Meng xi bi tan » en 1086. Il écrira : «  Quand on polit la pointe d’un aiguille avec une pierre d’aimant, elle s’oriente vers le sud mais légèrement vers l’est, pas vraiment au sud »

Texte alternatif
Gravure d'une boussole

L’utilisation du magnétisme en Europe fut plus tardive, il est fait mention de compas magnétique dès le XIIe siècle, mais la boussole n’apparut que plus tard vers les années 1300 (probablement découverte par un Italien du nom de Flavio Gioja). En Asie, les premières boussoles auraient été conçues dès 80 apr. J.-C. tandis qu’au Moyen-Orient les boussoles sont mentionnées à partir de 1232 dans un récit perse. Toutefois, l’hypothèse la plus probable est que la boussole ait été inventée de manière indépendante en Asie et en Europe. Ainsi bien que son invention soit sujette à controverse, l’existence de la boussole prouve que des recherches, même rudimentaires, sur le magnétisme ont bien eu lieu depuis le XIIe siècle.

Les premières études scientifiques

En Europe, le début du Moyen Âge ne fut pas une période prolifique pour le magnétisme, et bien qu’il y ait eu des observations de phénomènes, peu de théories furent mises en place et il faudra attendre la seconde moitié de cette période pour voir émerger les fondements du magnétisme moderne.

En 1269, Pierre de Maricourt rédige un traité (« De Magnete ») sur les propriétés des aimants à la suite de ses études sur la métallurgie. Il réalisera ainsi les premiers compas magnétiques. Il pense que le magnétisme peut apporter le mouvement perpétuel très recherché à l'époque médiévale.

En 1589, le physicien italien Giambattista della Porta décrit ses premières observations sur le magnétisme dans son ouvrage Magia naturalis. Il mentionne notamment des expériences menées sur l’attraction du fer par une pierre d’aimant, sur les propriétés des pôles de l’aimant et d’un aimant cassé.

C’est toutefois l’astronome anglais William Gilbert (1544-1603) qui fut le pionnier du magnétisme moderne. En effet, ce dernier publia en 1600 le premier ouvrage dédié au magnétisme, De Magnete, Magneticisque Corporibus, et de Magno Magnete Tellure3 (Du Magnétisme, des Corps Magnétiques et du grand aimant Terre). Ainsi, William Gilbert est le premier scientifique à mettre en œuvre une théorie d’ensemble sur le magnétisme, dans laquelle il décrit la Terre comme un gigantesque aimant (ce qui explique pourquoi les boussoles indiquent le pôle Nord) et dans laquelle il détaille les règles d’attraction des aimants, l’aimantation d’un barreau de fer dans un champ magnétique et l’influence de la chaleur sur le magnétisme du fer. Ces théories sont toutes corroborées par les nombreuses expériences qu’il a effectuées (notamment la fabrication d’un aimant sphérique lui servant à modéliser la Terre). Une unité de force électromagnétique du système CGS porte d’ailleurs son nom. René Descartes (1596-1650) marqua aussi le magnétisme, puisqu’il parvint à expliquer de nombreux phénomènes magnétiques de manière mécanique et physique. Il contribua de plus grandement aux avancées dans ce domaine par la création d’un formalisme mathématique inédit (coordonnées cartésiennes), très utile pour traiter du magnétisme.

Le XVIIIe et le XIXe siècle : le début de l'électromagnétisme, des applications du magnétisme sur la santé et des croyances

L'ophtalmologie avec des aimants

Dans la chirurgie en général, les aimants furent utilisés pour retirer des objets métalliques avalés par des patients. Toutefois, c'est essentiellement en chirurgie oculaire4 que l'aimant fut utilisé avec succès. Il pouvait arriver que des serruriers ou des travailleurs du fer reçoivent des éclats de fer dans l'œil. Pour remédier à cela, on comprit que ces particules pouvaient être extraites de la cornée à l'aide d'un aimant. En 1624, la femme du chirurgien allemand de Berne Wilhelm Fabry von Hilden, ou Fabricius Hildanus, fut la première à extraire un petit copeau de fer des couches superficielles de la cornée avec la pierre d'aimant.

Le magnétisme de Franz-Anton Mesmer (1734-1815)

Texte alternatif
Portrait de Franz-Anton Mesmer

Avec les expériences de Franz-Anton Mesmer5 au XVIIIe siècle, une certaine forme du magnétisme est devenue accessible au grand public. Il s’agit d’utiliser le magnétisme comme une énergie permettant de guérir les personnes. C’est une application du magnétisme en médecine, pour laquelle le nom de magnétiseur sera donné aux professionnels de santé utilisant les techniques de magnétisme.

Mesmer est le fondateur du “magnétisme animal”. Selon lui, il existe un fluide universel, aussi influant que le magnétisme et, comme lui, impossible à saisir par les organes des sens. Toutes les maladies proviendraient d’une mauvaise répartition du fluide à l’intérieur du corps humain. Pour guérir d’une maladie, il suffirait de drainer le fluide de façon à rééquilibrer la bipolarité humaine et donc de le répartir dans de bonnes proportions dans le corps humain. Il provoque chez ces patients des crises convulsives qui entraînent des guérisons. Mesmer a commencé à pratiquer ces opérations à l’aide d’un aimant, puis il s’est aperçu qu’il obtenait d’aussi bons résultats par le toucher manuel. Ainsi, il passe de la théorie du “magnétisme minéral” à celle du “magnétisme animal”.

La sourcellerie et le magnétisme

À la fin du XVIIIe siècle, la sourcellerie a pris un intérêt majeur depuis qu'un jeune paysan dauphinois4, Barthélemy Bleton, devint célèbre par son talent d'"hydroscope". À cette époque, le docteur Pierre Thouvenel, ayant entendu parler de Bleton, le fit venir en Lorraine en 1780 pour le soumettre à des épreuves afin de vérifier son aptitude à découvrir des sources d'eau. Le docteur fut convaincu et publia un ouvrage relatant ses expériences.

Plus tard, Yves Rocard (1903-1992) croyait que les sourciers étaient capables de détecter les circulations d'eau dans le sous-sol et d'en donner une localisation assez précise, à l'aide d'une baguette fourchue (dite "furcelle"). Il pensait que l'agent physique en cause, agissant uniquement sur le sourcier, était un gradient de champ magnétique. Rocard multiplia les expériences tendant à montrer qu'un sourcier est sensible à un champ magnétique. Il en tira une conclusion inattendue : la moitié de la population est sensible au signal magnétique, mais cette sensibilité varierait grandement d'un sujet à l'autre. Les explications de Rocard rencontrèrent beaucoup de scepticisme dans la communauté physicienne.

Le champ terrestre et les phénomènes magnétiques

Texte alternatif
Le champ magnétique terrestre peut être vu comme celui d'un aimant droit.

Au début des années 1700, beaucoup de gens faisaient l’étude sur le magnétisme terrestre. Le fait que le pôle Nord magnétique change de position était connu des navigateurs et marins. En 1692, Edmond Halley a expliqué ce phénomène en posant un modèle de la terre avec plusieurs couches6. Son explication était que les couches de la terre sont aimantées indépendamment, et que leur rotation individuelle change donc la position du pôle Nord. En 1724, George Graham a mis en évidence des fluctuations dans l'orientation de l'aiguille de la boussole (attribuées plus tard aux effets des orages magnétiques). En 1740, Anders Celsius publie dans Svenska Vetenskaps Academiens Handlingar que les perturbations dans l'orientation de la boussole s’observent sur des surfaces trop grandes pour être dues à des interactions locales (présence localement de matériau magnétique). Pour mesurer l’intensité du champ terrestre, l’expérimentateur Graham utilise la période de vibration d’une aiguille magnétique et publie ses résultats dans les Philosophical transactions en 1725. En 1776, le français Jean-Charles de Borda trouve l’intensité du champ magnétique terrestre en différents points sur la surface de la terre avec la même méthode. À l’époque les notions de champ n’existent pas encore, donc l’origine des forces magnétiques étaient exprimés avec les principes de la mécanique. Dans un mémoire de 1744, Euler écrit que le matériau magnétique est composé de pores dans lesquels une matière subtile peut circuler. Dans un aimant la matière circule dans une direction définie, et la répulsion ou attraction entre deux aimants est dû aux pressions qui interviennent quand les deux matières circulant se rencontrent. Lambert se propose d’étudier les lois qui régissent les variations des forces magnétiques suivant les angles et les distances. Il n’arrive pas à éliminer les erreurs de ses expériences pour affirmer la loi de dépendance de l’inverse de la distance au carré. Cependant il trouve ce qu’il appelle « les courbes du courant magnétique ». Ceci sera plus tard connu comme les lignes des forces du champ magnétique.

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Portrait de François Arago

François Arago (1786-1853) a consacré une partie importante de sa vie au géomagnétisme. Il fit, ou fit faire, un nombre considérable de mesures du champ magnétique terrestre : 52 599 mesures de la déclinaison, de 1810 à 1853, un grand nombre de mesures d'inclinaison, de 1810 à 1831, et des mesures d'intensité, de 1825 à 1829. Il s'intéressa à toutes les facettes du géomagnétisme. Il étudia longuement les variations temporelles de la déclinaison et sa variation séculaire.

La force d'attraction et les aimants

La variation de la force d’attraction mécanique fut déterminée expérimentalement en 1712 par Hawksbee et Brook Taylor. En 1726, Jonathan Swift a indiqué la différence entre la pesanteur et le magnétisme en pointant sur le fait que le magnétisme avait aussi un effet répulsif7. En 1760, l’allemand Johann Tobias Mayer publie ses résultats expérimentaux où il trouve que l’intensité varie selon l’inverse des distances au carré. En 1785 le français Charles-Augustin Coulomb a inventé la balance à torsion qui lui aide à trouver la loi réelle des attractions et répulsions d’électricité et magnétisme.

Lien entre l’électricité et le magnétisme

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Visualisation du champ magnétique (statique) engendré par un aimant droit.

Le XIXe siècle fut marqué par le développement de la théorie « électromagnétique ».

En ce qui concerne le magnétisme, les scientifiques Ørsted et Ampère ont marqué le début de sa compréhension dans les années 18204. Depuis les années 1780, les travaux de Coulomb avaient été interprétés comme preuve du fait que l’électricité et le magnétisme étaient en fait « deux espèces différentes de matière dont les lois d’action étaient mathématiquement similaires mais dont la nature était fondamentalement différente ».

Texte alternatif
Portrait de André-Marie Ampère

Le XIXe siècle démarra avec un article d’Ampère en 1802, où il annonça que les phénomènes électriques et magnétiques étaient dus à deux types de fluides qui agissaient indépendamment l’un de l’autre. Le physicien danois Hans Christian Ørsted par contre, croyait que le magnétisme existait dans tous les corps, et ainsi devait être aussi général que la force électrique.

Le physicien danois Hans Christian Ørsted cherchait à mettre en évidence un lien entre l’électricité et le magnétisme. En 1820, après de nombreuses expériences déjà menées, il est le premier à trouver un rapprochement entre ces deux disciplines. Son expérience consistait à utiliser le courant électrique pour faire bouger l’aiguille aimantée d’une boussole. Avec cette expérience, Hans Christian Ørsted est devenu un fondateur de l’électromagnétisme, dont Ampère donna aussitôt la théorie.

L’expérience d’Ørsted marque le début de la « révolution électromagnétique » : les années qui suivirent 1820 furent témoins de grands changements tant par la compréhension des phénomènes électromagnétiques que par la mise en application de ces phénomènes par de nouvelles inventions (Histoire de l'électricité).

Toujours en 1820, les français Jean-Baptiste Biot et Félix Savart parviennent à décrire mathématiquement le champ magnétique généré par une distribution de courants continus. La loi de Biot-Savart constitue le pilier de la magnéto-statique (étude des champs magnétiques indépendants du temps).

En 1821, André-Marie Ampère théorise le magnétisme par l’existence dans les matériaux conducteurs d’innombrables particules minuscules chargées électriquement et en mouvement et donne son nom à l’unité du courant électrique, l'ampère. De même, il expérimenta avec des fils parallèles traversés par des courants, et il observa qu’ils étaient attirés ou repoussés en fonction du sens relatif du courant. De cette expérience il tire la loi d’Ampère, qui décrit la force agissant entre les deux fils.

Il annonça à l’Académie des Sciences que deux fils hélicoïdaux traversés par un courant pouvaient être fabriqués pour être attirés ou repoussés entre eux. Dans son livre « Qu’est ce que le magnétisme ?», Ampère le décrit comme la force produite par l’électricité en mouvement.

La même année, Michael Faraday crée un premier moteur électrique primitif en « inversant » l’expérience d’Ørsted. Il place un aimant permanent dans un bain de mercure et place un fil parcouru par un courant électrique dans ce bain. Le fil se met à tourner de manière circulaire.

En 1825, le physicien anglais William Sturgeon crée le premier électro-aimant pratique. Peu de temps après l’invention du moteur électrique, Michael Faraday découvre en 1831 l’induction électromagnétique, soit l’apparition d’une force électromotrice dans un conducteur électrique soumis à un champ magnétique variable. Ce phénomène constitue actuellement la base de notre technologie et trouve son application dans les transformateurs, les dynamos ou bien encore dans les alternateurs. Faraday décrit également en 1845 le paramagnétisme et le diamagnétisme, c’est-à-dire, la capacité d’un matériau à créer une aimantation s’opposant ou suivant la direction du champ magnétique appliqué.

Concernant la deuxième partie du XIXe siècle, elle fut marquée par la formulation des équations de Maxwell publiées en mars 1861 dans l’étude « On physical lines of force ». Dans cette étude, le physicien écossais James Clerk Maxwell rassemble les travaux sur le magnétisme et sur l’électricité réalisés par Michael Faraday et André-Marie Ampère en un ensemble de vingt équations qui, plus tard, furent réduites à quatre. Ces équations décrivent le comportement du champ électromagnétique et ses interactions avec la matière.

Texte alternatif
Cycle d'hystérésis

En 1887, l’inventeur américain d’origine croate Nikola Tesla invente le premier moteur électrique à induction, utilisant les travaux de Michael Faraday sur le moteur électrique, l’induction électromagnétique et le courant alternatif.

En 1890, le physicien et ingénieur écossais James Alfred Ewing étudie les propriétés magnétiques des métaux et découvre le phénomène d’hystérésis (terme qu’il a d’ailleurs inventé).

Pierre Curie - La loi de Curie (1895)

Texte alternatif
Aimantation d'un matériau paramagnétique en fonction de la température inverse

En 1895, Pierre Curie ouvre la voie d’une théorie moderne du magnétisme en distinguant le diamagnétisme du paramagnétisme et du ferromagnétisme. En étudiant les propriétés magnétiques des matériaux, il a mis en évidence que la susceptibilité magnétique d’un matériau est inversement proportionnelle à sa température. Les expériences menées par Pierre Curie ont abouti à la formulation de la célèbre Loi de Curie. Cette loi est devenue le principe de base des thermomètres magnétiques, qui sont utilisés pour mesurer les très basses températures.

L'enregistrement magnétique

Enfin, tout à la fin du XIXe siècle, l’ingénieur danois Valdemar Poulsen invente, en 1898, l’enregistrement magnétique en créant un dispositif permettant de transformer les variations de champ magnétique d’une bande en un signal électrique. La même année, il dépose le brevet américain de son invention, qu'il désignait sous le nom de télégraphone. Pour anecdote : lors de l'exposition universelle de 1900, il a enregistré avec son dispositif la voix de l'empereur François-Joseph d'Autriche : c'est, à ce jour, le plus ancien enregistrement sonore magnétique existant.

Texte alternatif
Le télégraphone

Le XXe siècle et le XXIe siècle

Toutes ces découvertes sur le magnétisme permettent aux chercheurs d'avancer dans la recherche et de créer de nouvelles applications pour améliorer notre quotidien. Voici quelques applications innovantes et intéressantes pour le futur.

Les applications modernes du magnétisme

Mémoires magnétiques plus petites

En 1962, Tony Skyrme8 théorise l’existence des skyrmions magnétiques, ce n’est que 50 ans plus tard (2009) que des physiciens de l’Université technique de Munich prouvent leur existence. Les skyrmions pourraient intéresser le domaine de l’informatique. En effet, les skyrmions peuvent se former avec une dizaine d’atomes seulement et on peut s’en servir pour stocker des bits d’informations. Cependant, il faut encore maîtriser l’écriture et la lecture de données à l’aide de cristaux de skyrmions magnétiques. L’utilisation des skyrmions comme stockage des informations pourra faire encore chuter la taille des mémoires magnétiques (MRAM).

Trains à sustentation magnétique

Texte alternatif
Une rame SCMaglev de type Série L0 sur le circuit d'essai de la préfecture de Yamanashi en 2013.

Depuis 1962, les chercheurs Japonais ont pour objectif de créer un train capable de relier Tokyo - Osaka (500 km) en une heure9. C’est seulement en 2015 que leur objectif voit sa réalisation possible. En effet, en avril 2015, le train à sustentation électromagnétique japonais JR Maglev bat un nouveau record, 603 km/h pendant 11 secondes. Une prouesse technologique due au fait que le JR Maglev lévite grâce à des aimants fixés aux véhicules et à des bobines supraconductrices installées dans les rails. Cependant sa première version commerciale ne verra le jour qu’en 2027.

Le biomagnétisme

En 1975, le biologiste américain Richard Blakemore a constaté, sous microscope, que certaines bactéries vivant dans les marécages saumâtres se dirigeaient toujours vers le nord. Et dès qu'un aimant se trouvait à proximité, les bactéries se dirigeaient alors vers l'aimant4. Les bactéries mortes s'orientaient dans un champ magnétique comme de microscopiques aiguilles aimantées. Par la suite, d'autres espèces de bactéries, marines ou d'eau douce, possédant les mêmes propriétés, ont été découvertes. L'étude par microscopie électronique en transmission de ces bactéries a permis de relever la structure. Dans la longueur de leurs cellules, des petits cristaux (cubiques ou octaédriques) sont disposés en chaîne. Ce sont des cristaux de minéraux magnétiques : souvent la magnétite et la greigite. Chacun de ces cristaux constitue un petit aimant, et la chaînette de cristaux se comporte comme une boussole qui oriente la bactérie vers le nord et contraint ses déplacements dans cette direction. Ayant découvert un magnéto-récepteur dans des bactéries, on en chercha chez d'autres espèces vivantes, en commençant par les espèces migratrices, pour lesquelles l'orientation est importante. Des chercheurs ont réussi à identifier des chaînes de cristaux de magnétite dans le crâne d'une espèce de saumon, chez les pigeons voyageurs, les dauphins et les abeilles. Il apparaît maintenant que les espèces migratrices ne se fient pas à une seule méthode d'orientation, mais plusieurs, dont une basée sur le magnétisme.

Les applications du magnétisme dans la recherche

Combattre le cancer

Le magnétisme est aussi présent dans la médecine, et pourrait révolutionner le combat contre le cancer. Le CNRS et des chercheurs de l'université Paris-Descartes sont actuellement en train de développer une solution contre le cancer10. Le principe est d’éliminer les cellules cancéreuses via des champs magnétiques. Pour cela les chercheurs vont combiner un liposome avec des nanoparticules magnétiques et des photo-sensibilisateurs. En 2015, des tests sur des souris atteintes de tumeur ont eu des effets très concluants, la combinaison des nanoparticules magnétiques et des photo-sensibilisateurs ont permis de détruire intégralement les cellules cancéreuses. Cependant, avant d’appliquer cette technique à l’Homme, les chercheurs doivent déterminer les effets indésirables des nanoparticules sur le corps humain à long et court terme ainsi qu’estimer le taux de douleur qu’implique cette technique.

Combattre la maladie des os

En 2014, des chercheurs de l’Université de Keele et de l’Université de Nottingham en Angleterre ont découvert un traitement potentiel très prometteur. Ils sont parvenus à diriger des nanoparticules magnétisées recouvertes de protéines sur la zone endommagée d’un os afin de stimuler les cellules souches pour le reconstituer11. Grâce à un champ magnétique externe, les nanoparticules sont facilement orientables. Cette technique permettrait d’éviter un acte chirurgical et aider les personnes souffrant de traumatismes osseux ou de maladies telles que l’ostéoporose.

Notes et références

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12 septembre 2022

Savon de pays

Savon de pays : la recette de ma tante Georgette !

Ingrédients

  • 2 litres de graisse animal
  • 5 tasses d’eau froide.(5 x 250 ml)
  • 1 tasse d’hydroxyde de sodium (caustic).

Accessoires

  • 1 bol de vitre.
  • 1 cuillère de bois.
  • 1 plat en gré ou 1 chaudron.
  • 1 spatule.
  • 1 tasse à mesurer en vitre.
  • 2 plats rectangulaires en plastique (environ 9 pouces x 12 pouces).
  • 1 gant pour verser le sodium.
  • 1 tamis en métal.

Directives

  • Conserver le gras animal au congélateur.
  • Nettoyer la graisse en la mettant dans un chaudron sur le feu à intensité moyenne jusqu’à ce qu’elle devienne liquide.
  • Couler la graisse dans un tamis en métal.
  • Mettre le bol de vitre dans l’évier et ouvrir la fenêtre ou se mettre à l’extérieur pour cette étape.
  • Verser cinq tasses d’eau froide.
  • Verser une tasse de caustic doucement en faisant attention de ne pas respirer les vapeurs du produit.
  • Brasser le tout avec une cuillère de bois pour bien mélanger le caustic avec l’eau. Attention, plus on mélange, plus la chaleur augmente.
  • Attendre que le mélange tiédisse (environ 50o C).
  • Vider la graisse, à l’aide d’une spatule, dans le chaudron ou le plat de gré.
  • Verser le mélange de caustic et d’eau avec la graisse.
  • Brasser le tout de 10 à 15 minutes.
  • Passer les deux plats de plastique sous l’eau froide, sans les essuyer, pour empêcher le savon de coller.
  • Vider le tout dans les deux plats de plastique sans couvercle.
  • Laisser refroidir pendant deux jours.
  • Vérifier, après deux jours, si le savon est assez solide pour le tailler[3].
  • Tailler le savon en carré ou en rectangle, selon votre choix.
  • Laisser durcir et reposer un mois le savon avant son utilisation (période de saponification)[4].
9 septembre 2022

Dans la salle des coffres…

Voir ma propre explication à la fin Luc Fricot

Félicitations! Vous faites parti des 100 chanceux qui vont participer à un nouveau jeu. Voici le principe: on remet à chacun d’entre vous un ticket portant un numéro unique -de 1 à 100- et une contremarque portant le même numéro que vous remettez au maître du jeu. Celui-ci s’éclipse et va dans la pièce d’à côté cacher ces 100 contremarques dans 100 coffres numérotés eux aussi de 1 à 100 (une seule contremarque par coffre) de façon aléatoire. Le défi est le suivant: chaque participant à tour de rôle va passer dans la salle des coffres et peut ouvrir 50 coffres pour y chercher sa contremarque (sans changer les contremarques ou les coffres de place).

impossible bet 1     

Dans l’histoire originale ce ne sont pas 100 joueurs, mais 100 prisonniers qui doivent retrouver leur contremarque-

S’il l’a trouve, il la montre au maître du jeu, puis sort par une porte dérobée en laissant la salle des coffres exactement dans le même état qu’à son arrivée. Et sans rien dire aux autres participants évidemment. C’est au joueur suivant d’entrer dans la salle des coffres pour y chercher à son tour sa contremarque parmi 50 coffres.
Si tous les participants trouvent leur contremarque, ils remportent tous un million d’euros. Mais si un seul échoue, personne ne gagne rien. Comment allez-vous vous y prendre pour maximiser vos chances de gagner?

Votre première réaction est sans doute de vous demander ce qui se passerait si chacun ouvrait 50 coffres au hasard, sans aucune stratégie concertée. Chaque joueur aurait alors une chance sur deux de trouver sa contremarque. La probabilité que deux joueurs trouvent tous deux leur contremarque est de ½*½=¼; pour trois joueurs elle est de 1/8 etc. Pour 100 joueurs elle n’est plus que de (½)100, c’est à dire moins d’une chance sur 1030 (1 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000)! Le Loto, à côté, ressemble à un placement de bon père de famille! Il vous faut trouver une stratégie un peu plus rusée…

Bon OK, alors voici la solution:

La bonne stratégie consiste pour chacun des participants à ouvrir le coffre ayant le même numéro que sa contremarque. Par exemple si vous avez le numéro 63, vous allez ouvrir le coffre 63. Si vous y trouvez la contremarque 63 c’est gagné pour vous. Si vous trouvez un autre numéro, par exemple la contremarque n°27, vous allez ouvrir le coffre n°27 et ainsi de suite 50 fois au maximum:

impossible bet 4

Si avant d’avoir ouvert 50 coffres vous êtes renvoyé sur un coffre que vous avez déjà ouvert c’est gagné! En effet le dernier coffre qui vous renvoie sur vos pas contient la contremarque cherchée (la 63 dans notre exemple) car une même contremarque ne se répète jamais dans deux coffres différents:

 

+impossible bet 5

Combinaison avec 2 boucles de longueur 3 et une boucle de longueur 2.

En suivant cette méthode, un joueur gagne si et seulement si le premier coffre qu’il ouvre correspond à une boucle de moins de 50 coffres. Vous suivez toujours? Si les contremarques sont rangées dans les coffres de sorte qu’il n’existe aucune boucle de plus de 50 coffres, alors tout le monde trouve sa contremarque à coup sûr et le pari est gagné. La probabilité que ce soit le cas est de 31%: la stratégie est donc payante dans un peu moins d’un cas sur trois! C’est quand même bien mieux qu’une chance sur 1030, non?

La solution en vidéo (toujours sur la chaine de Minutes physics):

 

 

Pour les dingues que le détail du calcul intéresse, le voici:

La méthode consiste à calculer la probabilité pour qu’il y en ait exactement une boucle de longueur k supérieure à 50 (comme toutes les boucles sont disjointes, il ne peut y en avoir deux): c’est la probabilité que tous les participants perdent en suivant la stratégie proposée.
Il y a façons de choisir les k coffres parmi 100 qui formeront la grande boucle. Peu importe l’ordre dans lequel on les choisikKKt.

Une fois ces coffres choisis, il faut y placer les contremarques associées de sorte qu’elles forment une boucle de longueur exactement égale à k: il y a (k-1)! façons de procéder et un schéma vaut mieux qu’une longue explication:

Impossible bet dénombrement

Pour ranger k contremarques dans n coffres selon une permutation circulaire,
– on commence par le coffre 1: on a k-1 choix de contremarques (de la n°2 à la n°k)
– si on a mis la contremarque p dans le coffre 1, on n’a plus que k-2 choix de contremarques à mettre dans le coffret p (toutes sauf la n°1 et la n°k),
– On continue ainsi de suite jusqu’au dernier coffre où l’on n’a plus le choix de la contremarque.
– A la fin on a (k-1)(k-2)…3*2=(k-1)! combinaisons possibles.

 

Reste à arranger les 100-k contremarques restantes dans les 100-k coffres restant. Il y a (100-k)! façons de procéder (l’ordre des rangements compte).

Au total on a donc arrangements possibles pour une boucle de longueur k.

Récapitulons: il y a façons d’obtenir une boucle de longueur k parmi les 100! combinaisons possibles, soit une probabilité de 1/k. Regardez comme c’est étonnant: cette probabilité ne dépend que de la longueur de la boucle mais pas du nombre total de coffres! Bon ok, vous n’êtes pas extatique devant ce résultat, passons…

La stratégie proposée est gagnante s’il n’y a ni boucle de 51 coffres, ni boucle de 52 coffres etc. ni boucle de 100 coffres. La probabilité de gagner vaut donc . Environ 31% de chances de gagner…

 Sources: 
L’énigme originale: « 100 prisoners problem »

 Bon, pour expliquer tout ça, le plus simplement et concrètement possible, je vais minimiser les variables : 4 joueurs, 4 coffres, choix de 2 coffres pour chaque joueur, soit 4 fois une chance sur deux.
 Sans stratégie, il y a donc une chance sur seize (2 puissance 4) de tout gagner.
 Avec la stratègie decrite précèdemment, tout se passe comme si l''énoncé du jeu n'etait plus le mème (plus de tirage au sort), et se réduit à la répartition des étiquettes (1 à 4) dans les 4 coffres.
 Il y a 24 ( = factorielle 4 = 4! = 4*3*2*1 ) combinaisons possibles, dont 10 gagnantes. Soit 1/2.4 chances de gagner.
 Evidemment, si celui qui met les etiquettes, choisit  sciemment une des 14 combinaisons perdantes, aucune stratégie ne fera mieux que 1/16 chances de gagner. (Luc  Fricot)

 

D’autres énigmes

U-ne énigme gourmande: comment couper en deux parties égales un gâteau rectangulaire dont un gourmand aurait déjà --mangé une part rectangulaire elle-aussi:

-Petite énigme: vous avez les yeux bandés et devant vous un plateau d’Otello dont on vous indique qu’il contient 54 pions tournés face blanche et 10 pions tournés face noire. Votre mission: en faire deux tas contenant le même nombre de pions tournés face noire… sans retirer votre bandeau bien sûr.

 

La boucle impossible (en vidéo)

13 août 2022

Laure Adler: «Je suis vieille et je vous emmerde»

Pour la journaliste et écrivaine, vieillir, ce n’est pas renoncer, c’est être sauvage, en colère, passionné. Et surtout résister face à la tentative de relégation et d’invisibilisation du reste de la société.

Bonjour vieillesse (1/4) Nous vivons dans une société vieillissante. Ça veut dire quoi «être vieux» ? Pourquoi un tel tabou autour d’un phénomène inévitable et universel ? Pour que la vieillesse ne soit pas seulement abordée par le prisme du déclin, et de la tristesse, Libé donne carte blanche à Laure Adler, Boris Cyrulnik, Rose-Marie Lagrave et Erri De Luca pour qu’ils racontent ce que vieillir fait plus que ce qu’il défait.

Le couple de pies installé dans l’arbre à côté de ma chambre m’a réveillée dès potron-minet. Heureuse, je suis heureuse de me lever dans la blancheur du matin, moi qui ai passé une bonne partie de mon existence à me lever tard et à critiquer celles et ceux qui ne connaissaient pas les délices de la grasse matinée. Le temps me serait-il compté ? Ou est-ce cela vieillir ? Oui, vieillir, c’est accueillir ce qui vous arrive dans l’intensité d’un présent qui, autrefois, vous était dérobé par le vacarme du monde, le tourbillon des projets, le songe des désirs inavoués. Le temps se calme. Pas d’avis de tempête à l’horizon. Une sorte d’acceptation des choses, de l’inattendu, une disposition à être là, juste là.

Faire corps avec le présent n’est pas chose aisée – en tout cas pour moi – et les injonctions de la société vous travaillent sans cesse à bas bruit pour que vous deveniez ceci, que vous espériez être cela, et que votre énergie soit tendue vers quelque chose que vous n’avez pas encore atteint. Cet appel à un futur, souvent non réalisable, vous coince dans une forme d’angoisse et vous renvoie à vos incapacités. En vieillissant l’étau se desserre. La vie n’est plus faite de ce que vous avez encore à faire, mais de ce qui vous est encore permis de faire.

Temps illimité en apparence seulement, en fait temps précieux car la roue tourne. Les horloges dévorent le présent, un présent âpre au goût déjà presque disparu. Mais foin de la nostalgie. Foin des litanies sur les «c’était mieux avant», «ah si vous aviez connu» : oh tous ces vieux de mon enfance qui, au nom de leur âge, me donnaient des leçons sur ce que devait être ma vie en raison de leur âge canonique. Ce n’est pas parce qu’on est vieux qu’on a des leçons à donner. C’est sans doute le contraire. On a encore beaucoup à apprendre. A apprendre à désapprendre justement.Donc pas d’enfouissement paresseux dans son propre passé qui a des airs de contentement de soi-même, signes de pré-gâtisme – mais une élasticité assez conquérante, guerrière et jouisseuse de ce temps qui s’offre à nous et que nous ne partageons pas tous de la même façon.

La lente observation de la respiration du monde

Jeune, je n’ai jamais pensé que je deviendrais vieille. Vieille, je ne passe pas mon temps à récapituler ce que j’ai vécu. La vie n’est pas une sédimentation de nos expériences qui s’agrègent entre elles et qui formeraient une cuirasse censée vous protéger du malheur.Il n’y a aucun mérite à être vieux. Il n’y a pas de grades. Il n’y a pas d’étoiles. C’est juste une chance. Il faut l’attraper comme cette peluche que les petits enfants espèrent décrocher au manège. Vieillir est pourtant synonyme de perte, perte de mémoire, perte de repères, perte de moyens, perte de vue. Vieillir pourtant ce n’est pas courir à sa perte. Ce n’est pas parce qu’on est vieux qu’on est bon à jeter à la benne aux ordures. Vieillir, c’est savoir qu’on est de l’autre côté du monde, pas dans la folle vibration de l’électricité des secondes mais dans la lente observation de la respiration du monde.

Je suis vieille et je vous emmerde. Je les vois qui, dans les entreprises, convoquent les pré-seniors à l’âge de 45 ans en leur expliquant qu’ils ne sont plus assez performants, je les connais ces filles de 30 ans qui rêvent de vite se faire lifter car on leur explique qu’à la commissure de leurs lèvres des petites rides sont déjà apparues. Effacer les signes du temps. Chercher dans le cosmos l’immortalité de nos corps. Envoyer les vieux dans des Ehpad où plus c’est cher moins il y a à bouffer. Invisibilisez-nous. Envoyez-nous loin, le plus loin possible. Oui mais nous, le peuple des vieux, nous commençons à résister. Nous savons aussi dire non. Ce n’est pas parce qu’on a obéi pendant si longtemps silencieusement à vos injonctions funèbres que cela va continuer.

Tribune
TRIBUNE
1er févr. 2022abonnés

Vieillir, c’est être sauvage, en colère, passionné. Vieillir, ce n’est pas renoncer. Vieillir, ce n’est pas devenir raisonnable. Vieillir, c’est se désencombrer de ce soi qui vous a tant harcelé. Vieillir, c’est ne plus attendre quoi que ce soit de ce que vous n’aimez pas et que vous avez tout de même fait parce que vous vous y sentiez obligé. Gratitude. Oui, gratitude d’être encore là. De sentir le commencement d’une journée et d’y être invitée. Alors je m’élance dans le bleu tendre du petit matin casque sur les oreilles avec Prohibition de et par Brigitte Fontaine : «J’exhibai ma carte Senior/ Sous les yeux goguenards des porcs/ Qui partirent d’un rire obscène/ Vers ma silhouette de sirène/ Je suis vieille et je vous encule/ Avec mon look de libellule/ Je suis vieille et je vais crever/ Un petit détail oublié.»

Tout le monde dort dans le village à l’exception du chat de la voisine, vieux lui aussi, qui me regarde courir lentement. Oui, je cours lentement mais je cours et personne pour se moquer de moi. A l’ombre portée des arbres fruitiers, sur le chemin, je sais quelle heure il est. Je ralentis près de la cabane à outils et cherche l’ombre. Je cours maladroitement mais je cours. Pas question de m’arrêter ni de ralentir. Pas question d’aller plus loin. L’important est de revenir sans avoir le souffle coupé. Conquête de et sur soi-même. Je ressemble à une tortue échouée au milieu de nulle part mais j’ai réussi. J’ai réussi quoi ? A faire la même chose que la veille. Vieillir, c’est un perpétuel devenir. Ce n’est pas l’art d’accommoder ce qui nous reste mais faire circuler autrement ce que nous possédons encore, au-delà même de ce que nous imaginons.

Ce qui importe, c’est la liberté de vivre le présent

Nous, les vieux, nous en avons marre d’être soumis en permanence à l’injonction de pouvoir encore faire, de savoir encore faire. Nous, les vieux, on a le sentiment, voire même la certitude, qu’on décide à notre place de ce que et comment nous devons vivre. Ceux qui ne se prétendent pas vieux ont décidé qu’il n’y avait plus de place. Nous, le peuple invisible, nous avons accepté – jusqu’à aujourd’hui mais les choses sont en train de changer – cette invisibilisation, ce consentement volontaire à ne plus être des sujets à part entière de la société. On nous met loin du cœur des cités pour ne pas déranger, on nous exporte loin du cœur battant parce qu’on pourrait gêner.

Loin, on nous met loin du centre dans tous les sens du terme, loin du centre des décisions, nous ne sommes plus des centres d’intérêt. Allons-nous longtemps nous contenter du monde en solde que les autres, certains autres, veulent nous léguer pour mieux nous reléguer ? Nous prétendons être aussi au centre du monde, au centre de notre monde où nous passons beaucoup de temps à être ce qu’on nomme des aidants. Oui, on ne s’occupe pas que de nous-mêmes, on s’occupe beaucoup des autres puisque nous sommes à la retraite mais pas en retrait du monde et, sans en parler le plus souvent, on vient en aide comme on peut à celles et ceux qui ne sont pas dans la marche triomphante et accélérée du monde tel qu’il va. L’impitoyable aujourd’hui qui nous tolère au mieux, nous stigmatise au pire.

J.-M. Coetzee dans son admirable livre l’Homme ralenti met en scène un homme d’une soixantaine d’années victime d’un accident de vélo qui prend alors conscience de son âge. Avant il n’y pensait jamais. Cette insouciance lui est brutalement enlevée. Son amie Elizabeth Costello, du même âge que lui, mais plus lucide (c’est souvent le cas), lui parle de sa décision intérieure de lâcher prise et de profiter de chaque instant. Elle lui fait comprendre que ce n’est pas le nombre d’années qui importe mais la liberté de vivre le présent. L’âge, en effet, n’est pas seulement une donnée biologique, c’est aussi un sentiment. Il dépend de la classe sociale et du contexte historique. Ainsi, au XIXe siècle, si on était une fille d’un milieu «modeste» et pas mariée à 20 ans, on devenait aux yeux du monde et pour toujours une «vieille fille».

Nous qui avons atteint un âge certain, nous terminons notre existence sans en connaître la fin et n’avons plus tant besoin de donner des preuves. Nous n’avons plus grand-chose à perdre donc nous sommes de bons joueurs, de bons marcheurs des chemins de traverse. L’âge mûr n’est pas une période vouée au déclin que l’on devrait subir le mieux possible mais comme un cycle de liberté et de plaisir où je peux accomplir ce à quoi je n’avais jamais pensé. Il ne faut pas que les non-vieux confondent l’image que la société donne de nous avec ce que nous sommes en notre for intérieur. «Partout c’est la prohibition/ Parole écrit fornication/ Foutre interdit à 60 ans/ Ou scandale et ricanements/ Les malades sont prohibés/ On les jette dans les fossés/ A moins qu’ils n’apportent du blé/ De la tune aux plus fortunés.»

En moi ça craque, les articulations et quelquefois le moral quand je vois que je ne peux faire ce qui me plaît. Par exemple dans cette beauté de la lumière d’été partir en randonnée à vélo. Heureusement mes petits-enfants, aussi prévenants que compatissants, m’ont offert un vélo électrique. Alors je crâne au milieu des vignes. J’ai l’impression – peut-être factice – que le monde s’élargit au lieu de s’amenuiser. Je suis heureuse d’être comme tant de personnes de mon âge ou ayant dépassé mon âge, vieille et en bonne santé. Je ne sais de combien de temps sera le bonus.

J’ai hâte d’encore vieillir. Tant de choses à faire. Et, notamment continuer le combat de notre nouvelle association la Cnav, «Conseil national autoproclamé de la vieillesse», une bande de copines et de copains excédés par la manière dont on nous prend pour des moins que rien, nous qui, à l’aube de notre jeunesse, avons fait 68 contre une société qui donnait toutes les responsabilités aux vieux… Nous préparons des AG, des manifestations, des états généraux. La révolte des vieux ne fait que commencer. «J’ai d’autres projets vous voyez/ Je vais baiser, boire et fumer/ Je vais m’inventer d’autres cieux/ Toujours plus vastes et précieux.»

15 juillet 2022

Recalculer ies logarithmes à la main.

L'utilisation des logarithmes a révolutionné les calculs mathématiques, 300 ans avant l'informatique . Si les tables d'addition et de multiplication sont mémorisables et mémorisées, les tables logarithmiques sont trop complexes et infinies.

Une échelle logarithmique permet de représenter sur un même graphique des nombres dont l'ordre de grandeur est très différent. Les logarithmes sont fréquents dans les formules utilisées en sciences, mesurent la complexité des algorithmes et des fractales et apparaissent dans des formules permettant de dénombrer les nombres premiers.

Mais comment les recalculer ?

Méthode de Newton.

\ln(1+x)=x-{\frac {x^{2}}{2}}+{\frac {x^{3}}3}-{\frac {x^{4}}4}+\cdots +(-1)^{{k}}{\frac {x^{{k+1}}}{k+1}}+\cdotspour x<=1

Tout logarithme transforme


e=2,718281828459045.

Changement de base

 

Logarithmes et valeurs inverses.

log(1)=0

~>log(N/N)=0

~> log(N) + log(1/N) = 0

~> log(N) = - log(1/N)

si N<1 alors log(N)<0



Au final



la méthode de Newton peut être utilisée pour x comprit entre --1 et +1 soit x+1 entre 0 et 2.
Pour les valeur > 2 on calcule sur l'inverse.
Plus x diverge de 0, plus la convergence est  lent

On peut aussi retenir ln(2) et ln(10) par exemlple, et décomposer jusqu'à une valeur <2 : 523 = 10*10*2*2*1.3075
Il reste donc à calculer ln(1.3075).
En fait, tout ceci n'a d'intéret que pour un processeur piloté par un programme sans fonction log par défaut.

Source Tableur

A1=valeur
E1=ln(A1)
B8=PUISSANCE(-1;A8+1)
C8=PUISSANCE(A$1-1;A8)/A8* B8
D8=D7+C8
Les colonnes E à J sont la moyenne des colonnes précédentes et permettent de'obtenir la convergence plus rapidement. Par exemple, E8 = (D8+ D7) /2..

Source Pascal

Function logarithme(n : extended) : extended;
const
  ln10 = 2.30258509299;
  ln2  = 0.69314718056;
  precision = 0.0000000001;
var
  i,j :int;
  log,plog,delta : extended ;
begin
  i:=0;
  while n>2 do begin inc(i); n:=n/2;end;
  x:=n-1;
  j:=0;log:=0;
  repeat
     j:=j+1;
     delta:=power(-1,j+1)*+power(x,j)/j;
     plog:=log;
/     log:=log+delta;
  until abs(log-plog)<=precision;
  Result:=log+(i*log2);
// il suffit de diviiser par ln10 pour les logs décimaux
end;v

 

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2 juillet 2022

Calculs sur nombres type texte

Avant l'essor des outils de saisie numérique, la longueur des nombres ne posait pas de problème (hormis une complication des calculs). Avec une taille de 8 caractères maxi,aucune des fonctions d'une calculatrice ne marche, donc sur des nombres de l'ordre du milliard , précis à l'unité près. Et mème si on utilise des variables très grandes telles QWORD en Pascal (0 .. 18446744073709551615), on arrive vite à des limites de calcul récurrent.

Si on peut jongler avec les additions et soustractions,comment faire avec les multiplications et divisions.
Comment faire en algèbre simple ?
/
Les Indiens nous ont apporté les chiffres dits abusivement arabes, le zéro, la base 10.

Je vais donc stocker mes données dans des chaînes texte.

Addition Soustraction

On finit par croire qu'opérer une addition est innée et universel, or sans apprentissage ni base 10 (les Mayas utilisaient une base 20), on compterait toujours avec les doigts. Là, on s'est mis en tête (à vie) la table d’audition de 0 à 9. Et c'est tout.
Soit un système où chaque chiffre est lié au numéro colonne,en commençant par 0 pour les unités puis 1 pour les dizaines ... Cela ce rapproche de la notation en puissances de 10.

413 = 4E2 + 1E1 + 3E0

On additionne donc chaque colonne indépendamment des autres, mais sans oublier les retenues.

 

 Pour les soustractions, si le chiffre à soustraire est supérieur,à l'actuel, on ajoute une dizaine qu’on retirera de la colonne suivante : 2-9 donne 12-9=3 et on retire 1 colonne+1.

Multiplication

 

Une Multiplication est une addition en boucle. avec mon système de notification, il suffit de multiplier chaque chiffre non nul du multiplicande par chaque chiffre non nul du multiplicateur. Le résultat est additionné dans la colonne somme des deux

 

Exemple :
203012 x 4112 =( 2^5 + 3^3 + 1^1 + 2^0 ) x ( 4^3 + 1^2 + 1^1 + 2)
/4/0 2/1 6/3 4-/5 2/ 1 1/2 3/4 2/6 2/2 1/3 3/5 2/7 8/3 4/4 12/6 8/*8

 

Colonne0=4
Colonne1=2+2=4
Colonne2=2+1=3
Colonne3=1+6+8=15=5 report 1
Colonne4=3+4+1=8
Colonne5=4+3=7
Colonne6-=2+12=14=4 report 1
Colonne7=1+2=3
Colonne8=8
834785344

 

En fait,sans le savoir,j'ai réinventé une forme de multiplication védique. Je peux donc faire des multiplications sans limite d'espace, seulement de temps.
Division
 La division par soustractions : N est le nombre à diviser par D,Compter combien de fois on peut soustraire D de N et retenir cette quantité.
while n>d do
begin q:=q+1;

 n:==n-d;

end;

N: dividende; D: diviseur; Q: quotient; et R = reste

Méthode qui utilise la méthode de la division posée (classique).

 

Au lieu de prendre le dividende en entier, on ne prend que le premier chiffre à gauche puis le suivant jusqu'à former un nombre supérieur au diviseur. On fait la division, récupère le chiffre du quotient, pose le reste. Puis on abaisse le chiffre suivant du dividende. Et on recommence. .

 

Pseudo code
De cette manière on travaille chiffre par chiffre sauf avec le diviseur. Donc si le diviseur est très long il faudra utiliser la soustraction longue dans la boucle division par soustraction.

Racine carrée longue.
On se base sur l'algorithme de Heron. Voir Calcul à la main d'une Racine, méthode Héron.

En conclusion
Tous les calculs algébriques peuvent n'utiliser que l'addition.
Ma méthode est (volontairement) ultra-primitive, hyper lente, nie 2000 ans d’histoires mathématiques ... mais ça peut marcher. De là à passer du temps à tout coder ?

/

3 juin 2022

Calcul à la main d'une Racine, méthode Héron...

Méthode de calcul à la main (à l'ancienne)
Calculer la racine carrée n'est pas plus compliqué qu'effectuer une division.
C'est tout aussi fastidieux. Mais ce fut le seul moyen avant l'arrivée des calclatrices.


 
Méthode par dichotomie
 Cette méthode est générale à beaucoup de calcul. Il s'agit de cerner la valeur recherchée en encadrant la réponse de plus en plus finement.
Méthode qui est pratique lorsqu'on dispose d'une calculette sans la fonction racine carrée.

Formule pour approcher une racine carrée.




Algorithme de Babylone ou Algorithme de Héron

Trouver la racine carrée d'un nombre n'est pas si facile ! Les Anciens (Héron d'Alexandrie – Livre I des Métriques) avaient déjà un truc assez performant, et, qui est encore utilisé=aujourd'hui.

On trouve facilement deux nombres encadrant la racine cherchée. La moyenne de ces deux nombres est une bonne approximation de la racine. Une +meilleure valeur est obtenue en recommençant l'opération…

 

Étape 1

Littéral

exemple

    Soit un nombre A:

A

A = 10
A = 3,16

    Si A est une valeur supérieure à la racine de A.

√A < A

/3,16 < 10

    Considérons la valeur du ratio

A / A

10 / 10 = 1

    La valeur de ce ratio est inférieure à la racine de A

A / A < √A

1 < 3,16

    Bilan

 A/A<√A<A

1 < 3,16 < 10

    Ayant trouvé deux valeurs encadrant la solution, il est tentant d'en prendre la moyenne, en pensant que la nouvelle valeur est une meilleure approximation..

r = 1/2 (A + A/A)

r = 1/2 (10 + 1)
= 5 + 0, 5
= 5, 5

Étape 2

 

 

    Reprenons le procédé avec cette nouvelle racine

r1 = 1/2 (r + N/r)

r1 = 1/2 (5,5 + 10/5,5)
= 2,75 + 0,909
= 3,659

    Etc. Nous allons converger vers la racine

 

 rk = 3,16 …

       


Exemple tableur


Exemple Pascal

Function RacineCarre(n : extended) : extended; {formule de Héron}
const
  precision = 0.00000000000001;
var
  x1, x2 : extended ;
begin
  x2 := n/2;
  repeat
     x1 := x2;
     x2 := x1 - (x1*x1-n)/(2*x1)
  until abs(x1-x2)<=precision
  RacineCarre := x2;
end;
  Et aussi...  Racine cubique

ge

/http://villemin.gerard.free.fr/ThNbDemo/Heron.htmv

23 mai 2022

Calcul de pi avec polygones et théorème de Pytagore.(Luc Fricot)

Dès le début du collège, j'ai pressenti que toute représentation du cercle révèle ses défauts à a l'agrandissement.
De mème, un cercle est toujours plus court à la corde.
Influencé ou non par Archimède, je considère le cercle comme un polygone infini. un polygone infini.

Je pars d'un carré de diagonale 1 et donc un cercle de diamètre 1.
Le coté du carré est donc racine(1/2) = 0.7071
Le rayon = 0.5
Périmètre du cercle = Pi x 2 x r = Pi
Périmètre du carré = 2.8284

Pour dédoubler les polygones, il faut 
prendre la moitié de la longueur du côté du polygone actuel, puis
porter le rayon du cercle en passant par ce point.

Ici, par exemple, pour le carré de départ, on prend le point M qui est à la moitié du côté AB et on trace un rayon allant du centre O vers le point E (la ligne passe par M et est de la longueur du rayon).
On a donc un triangle AMO dont AM est connu (1/2 AB), AO est le rayon.,
MO se déduit avec la formule de Pythagore AM² + MO² = AO², soit racine(1/2).
ME = EO (=le rayon) – MO.
AE sera déduit par la formule AM² + EM² =AE².

Voir shéma ci-dessous


Ceci permet de faire une fonction récessive qui double le nombre de côtés du polygone et d'affiner la valeur de Pi.

Exemple Excel

 
A3=A2*2
B3=RACINE((0,5*0,5)-(C3*C3))
C3=E2/2
D3=0,5-B3
E3=RACINE((C3*C3)+(D3*D3))
F3=A3*E3

Cette méthode hyper simple ne nécessite que l'utilisation des racines carrées.
N'importe quel élève de 5ème peut réaliser les calculs, même à la main.

Cependant, j'arrive vite à saturation, car si le tableur gère des valeurs infimes telles que "1E-20", en revanche, "1 - 1E-20" est arrondi à 1. l


Exemple en Pascal

procedure TForm1.Calcul_pi(Sender: TObject);
var  SEG,AM,ME,OM,PERI:Extended;
  NB:int64;
  S:string;
const rayon = 0.5;
begin
NB:=4;
  SEG:=power(2,0.5)/2;
  repeat
    nb:= nb+nb;
    am:=seg/2;
    om:=power(( (rayon*rayon)-(am*am) ),0.5);
    me:=rayon-om;
    seg:=power(( (me*me)+(am*am) ),0.5);
  until (nb>Power(10,14)) or (seg=0);
  peri:=seg*nb;
  Edit1.Text:=IntToStr(nb);
  Edit2.Text:=FloatToStrf(peri,ffGeneral,18,0);
end;


Toutefois on ne pourra pas affiner PI, au-delà de 18 chiffres après la virgule, du moins avec Excel 2003. Mais l'essentiel est d'avoir la taille du segment, quitte à faire les calculs à la main. Car le numérique permet l'automatisation  de grands calculs complexes, mais il ne permet pas toujours les opérations de très grands nombres (>15 chiffres), notamment les racines carrées, alors que manuellement il n'y a pas  de limites même

 

 

si fastidieux.

Je ne trouve pas de références à ma méthode (ou similaire), ce qui ne veut pas dire  que les  Babyloniens  par exemple, n'eussent pu l'utiliser sans qu'une trace écrite ne nous soit parvenue.

En fait, PI est très simple à mesurer : si la roue d'un char fait 1 mètre de diagonale, celui-ci parcoure 3 mètres 14 en 1 tour, 314 m 15 en 100 tours, etc.

Mais sa description mathématique est plus ardue mais indispensable pour les calculs astronomiques. La précision de PI dès la 18ème décimale ne peut plus être calculée juste arithmétiquement, mais nécessite des stratégies mathématiques élaborées.

PI est une constante inutile à recalculer, plutôt  à mémoriser:

Quatrain édité en 1898 dans une publication mathématique (longueur des mots)

  • Que j'aime à faire apprendre un nombre utile aux sages
  • Immortel Archimède, artiste ingénieur,
  • Qui de ton jugement peut priser la valeur ?
  • Pour moi, ton problème eut de pareils avantages.

3.14 15 92 65 35 89 79 32 38 46 26 43 38 32 79

-Voir aussi http://villemin.gerard.free.fr/Wwwgvmm/Geometri/PiCalcul.h

14 avril 2022

Raccourcis clavier de l'application Calculatrice dans Windows 10

 

Cet article détaille les raccourcis clavier pour l'application Calculatrice Windows 10.

Alt + 1 Passer en mode standard
Alt + 2 Passer en mode scientifique
Alt + 3 Passer en mode programmateur
Alt + 4 Passer en mode de calcul de date
Esc Effacer toutes les entrées (sélectionnez C)
Effacer Effacer l'entrée de courant (sélectionnez CE)
Ctrl + H Activer ou désactiver l'historique des calculs
Ctrl + M Stocker en mémoire
Ctrl + P Ajouter à la mémoire
Ctrl + Q Soustraire de la mémoire
Ctrl + R Rappel de mémoire
Ctrl + L Mémoire claire
Ctrl + Maj + D Histoire claire
Flèche vers le haut Monter dans l'historique
Flèche vers le bas Descendre dans l'historique
F9 Sélectionnez ±
R Sélectionnez 1 / X
@ Calculer la racine carrée
% Sélectionnez%
F3 Sélectionnez DEG en mode scientifique
F4 Sélectionnez RAD
F5 Sélectionnez GRAD
Ctrl + G Sélectionnez 10x
Ctrl + O Sélectionnez cosh
Ctrl + S Sélectionnez sinh
Ctrl + T Sélectionnez tanh
Maj + S Sélectionnez sin-1
Maj + O Sélectionnez cos-1
Maj + T Sélectionnez tan-1
Ctrl + Y Sélectionnez y? X
Sélectionnez mod
L Sélectionnez le journal
M Sélectionnez DMS
N Sélectionner dans
Ctrl + N Sélectionnez ex
O Sélectionnez cos
P Sélectionnez Pi
Q Sélectionnez x2
S Sélectionnez le péché
T Sélectionnez le bronzage
V Sélectionnez FE
X Sélectionnez Exp
Y, ^ Sélectionnez xy
# Sélectionnez x3
! Sélectionnez n!
% Sélectionnez le mode
F2 Sélectionnez DWORD en mode de programmation
F3 Sélectionnez MOT
F4 Sélectionnez BYTE
F5 Sélectionnez HEX
F6 Sélectionnez DEC
F7 Sélectionnez OCT
F8 Sélectionnez BIN
F12 Sélectionnez QWORD
UN F Sélectionnez AF
J Sélectionnez RoL
K Sélectionnez RoR
< Sélectionnez Lsh
> Sélectionnez Rsh
% Sélectionnez Mod
| Sélectionnez Ou
^ Sélectionnez Xor
~ Sélectionnez non
Et Sélectionnez et
5 mars 2022

James Bridle: «Nous accordons une confiance aveugle aux informations que nous donnent nos appareils électroniques»

L’afflux de données nous donne l’illusion de connaître notre environnement et nous fait croire à des choix éclairés. Dans son essai «Un Nouvel Age de ténèbres», l’artiste, écrivain et éditeur britannique met en garde contre une «pensée computationnelle» qui veut agréger en vain toujours plus d’informations.

Nous nous noyons sous un déluge d’informations auxquelles nous ne sommes plus capables de donner du sens pour comprendre le monde : voilà ce que ça fait, d’avoir essayé de transformer nos cerveaux en ordinateurs. D’après l’artiste, écrivain et éditeur britannique James Bridle, vivre aux côtés des supercalculateurs a profondément changé notre manière de réfléchir. Dans un ouvrage stimulant, riche et souvent drôle, Un Nouvel Age de ténèbres. La technologie et la fin du futur (Allia, 2022), il explore cette nouvelle forme de pensée, la «pensée computationnelle» comme il l’appelle, qui consiste à concevoir le monde comme une série de problèmes que l’on pourrait résoudre si l’on avait à notre disposition les jeux de données nécessaires.

Il met en garde contre deux effets pervers de ce schéma de pensée : d’abord, il oublie le fait que le monde ne peut se réduire à un ensemble de variables qu’il suffirait de calculer pour déterminer ce que sont l’amour, la haine ou la poésie. Ensuite, et surtout, il nous paralyse : puisque nous n’aurons jamais l’ensemble des données d’un problème, nous continuons à attendre une improbable certitude absolue avant de nous décider à agir. Plutôt que la «pensée computationnelle», Bridle appelle à adopter une pensée «nébuleuse», «qui admet l’inconnu et le transforme en une pluie fertile».

D’après vous, «tout est éclairé mais nous ne voyons rien». Il y aurait un problème à pouvoir utiliser une très grande quantité d’informations ?

La croyance selon laquelle davantage d’informations rend le monde plus clair et plus facile à comprendre est fausse. Le monde ne peut pas être réduit à une série de faits et d’éléments informationnels : il est fait de paradoxes, de points de vue divergents, de situations sociales opposées. Pourtant, nous avons construit notre technologie et nos sociétés sur cette idée que nous pourrions le comprendre si seulement nous avions toutes ces informations. Et le plus grave, c’est que nous sommes aujourd’hui dans une forme de déni : nous ne voulons pas admettre que nous n’obtenons pas les résultats escomptés. Alors, nous continuons à essayer de rassembler toujours plus de données, même si, manifestement, cette méthode ne fonctionne pas.

Pourtant, la médecine a fait des progrès, la science aussi, nous comprenons mieux le dérèglement climatique

Notre conception du progrès nous amène à croire que les choses vont toujours devenir plus puissantes, plus utiles et plus bénéfiques. On l’illustre souvent avec la «loi de Moore», qui n’est, en fait, pas une loi physique mais une observation : plus nos capacités technologiques ont progressé, plus nous avons été capables de miniaturiser les composants électroniques. Mais des chercheurs parlent aujourd’hui plutôt de «loi d’Eroom» pour désigner le phénomène inverse : alors que les industries pharmaceutiques ont recours à des puissances de calcul de plus en plus importantes, elles sont devenues de moins en moins capables de découvrir de nouveaux médicaments.

Concrètement, le nombre de nouveaux médicaments approuvés par milliards de dollars dépensés dans la recherche et le développement (R et D) a été divisé par deux tous les neuf ans depuis 1950. De plus en plus, ces entreprises abandonnent les grands processus informatisés pour revenir à des formes de recherches menées par des petits groupes d’êtres humains. Cette observation est utile pour rappeler une chose : il existe plusieurs manières de penser différentes. L’une d’elles est la pensée computationnelle, qui consiste à croire que le monde est réductible à une série de problèmes mathématiques, et donc l’envisage en termes de 1 ou de 0, de noir ou blanc, de vrai ou faux – autant de certitudes qui ne correspondent pas au monde réel, lequel contient des incertitudes. Et, dans bien des situations, cette pensée computationnelle n’est pas la meilleure.

Pourquoi accordons-nous une telle confiance aux ordinateurs ?

Des biais cognitifs nous amènent à considérer les réponses automatisées comme intrinsèquement meilleures que celles qui ne le sont pas. Ce phénomène est aussi appelé «biais d’automatisation» : en somme, cela désigne le fait que nous accordons une confiance aveugle aux informations que nous donnent nos appareils électroniques. Les rangers des parcs américains en sont venus à parler de «mort par GPS» pour désigner les tragédies qui surviennent chaque année lorsque des personnes se fient uniquement aux informations données par le GPS plutôt qu’à ce que voient leurs yeux, et conduisent à travers des déserts, des rivières ou des lacs. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ce n’est pas une série de gens bêtes faisant des trucs bêtes : cela tient dans le fait que notre cerveau aime prendre des raccourcis, aller à l’option la plus simple.

Cet instinct nous pousse alors à accorder une confiance excessive aux systèmes automatisés. Même des pilotes d’avion de chasse, extrêmement entraînés, qui ont volé des milliers d’heures et sont habitués à faire des tâches simultanées, ne sont pas protégés contre ce biais. On a pu l’observer au cours d’expériences qui les plongeaient dans des situations d’urgence. Les pilotes ont correctement suivi toutes les étapes indiquées par la procédure qu’ils ont apprise. Mais si, à un moment donné, un système automatique (l’autopilote de l’avion) leur suggère une action qui va pourtant aggraver la situation, ils vont presque systématiquement effectuer cette action. Ce biais d’automatisation rend notre comportement extrêmement facile à influencer par les machines.

Cette volonté de traiter un grand nombre d’informations est aussi au cœur des programmes de surveillance. Pourtant, vous soulignez que celle-ci est aussi rendue inefficace parce qu’elle capte un trop grand nombre de données. Pourquoi ?

Toutes les études sur la surveillance montrent qu’elle est très peu efficace pour empêcher les crimes et les délits. Plusieurs raisons expliquent cela ; l’une d’elles, c’est qu’elle génère un surplus d’informations que personne n’est en mesure de traiter. En commentant l’attentat du 11 septembre 2001, un responsable français de la lutte antiterroriste a déclaré : «Au moment même où nous sommes submergés par l’envie et l’admiration devant l’étendue et la profondeur de la capacité de renseignements des Américains, nous commençons à nous estimer vraiment chanceux de ne pas avoir à traiter l’impossible masse d’informations qu’elle génère.» Les Etats-Unis étaient confrontés à un problème insoluble : l’information était là, mais au milieu d’une telle masse de données que personne n’était en mesure d’en tirer un enseignement pertinent. Ce problème est le résultat d’une forme computationnelle de surveillance.

Les révélations d’Edward Snowden concernant les pratiques illégales de la NSA aux Etats-Unis n’ont-elles pas permis d’adopter des pratiques de surveillance plus raisonnables, plus ciblées ?

Je me suis longuement demandé quelles conséquences pouvaient avoir ces «révélations» – la plupart de ce que Edward Snowden a mis au jour était, en réalité, déjà bien renseigné plusieurs années auparavant. A mon sens, leur effet principal, c’est que ces pratiques, qui auparavant étaient illégales, sont aujourd’hui conduites de manière complètement légale. Elles n’ont donc pas stoppé la surveillance, mais l’ont fait entrer dans le droit commun.

Autre chose m’a frappé : les lanceurs d’alerte comme Edward Snowden ou WikiLeaks fonctionnent exactement selon la même logique que les agences d’espionnage dont ils dénoncent les pratiques. Ils partagent une même croyance qu’une information est cachée, et qu’il suffirait de la révéler à la lumière pour que tout redevienne normal. C’est la même logique que partagent les associations environnementales, qui sont persuadées qu’il suffirait de générer toujours plus de données sur les perturbations du climat pour faire changer la société.

Cela ne semble pas très bien marcher, à ce stade. Ce qui est la vérité et ce qui est scientifiquement connaissable, ce sont des questions d’épistémologie. Et c’est très différent de la quantité d’informations nécessaire pour agir – qui est le stade que nous aurions dû avoir franchi il y a bien longtemps. C’est encore une fois une manifestation de la pensée computationnelle, qui nous fait penser comme des machines et vouloir connaître l’ensemble des informations d’un problème avant d’agir.

Ce qui signifie qu’il faudrait accepter plus d’incertitudes, à l’égard du monde comme à l’égard de la technologie ?

Il s’agit de reconnaître que notre compréhension du monde est toujours limitée, qu’il faut donc introduire des nuances dans les certitudes que l’on proclame. Cela change notre relation les uns aux autres, notre modèle politique mais aussi notre relation au monde. Parce que dans ce cas, on arrête de voir le monde comme une série de «problèmes» que l’on pourrait «résoudre», et on commence à l’envisager comme des situations que l’on pourrait essayer d’améliorer.

Un élément de la technologie que l’on peine à comprendre est le «cloud». Vous soulignez que cette métaphore peut être trompeuse… Mais aussi qu’elle est féconde.

Je déteste en même temps que j’adore ce terme. Le réseau informatique est appelé «nuage» parce que ainsi, vous n’avez pas besoin de réfléchir à ce qu’il est vraiment : cela sous-entend qu’il est le problème de quelqu’un d’autre. Or croire que l’infrastructure la plus essentielle dans la vie quotidienne de la plupart d’entre nous serait quelque chose dont nous n’avons pas à nous soucier me semble extrêmement dangereux. Elle ne fait que masquer le pouvoir de ce réseau, sa réalité environnementale, sociale, économique, et le fait qu’il ne s’agit pas d’un nuage mais d’usines d’ordinateurs qui pompent de l’électricité.

D’un autre côté, il y a quelque chose d’incroyablement beau dans le fait que nous avons choisi d’appeler, de manière inconsciente, l’entité la plus puissante de nos vies quotidiennes d’après les nuages, qui sont nébuleux et inconnaissables. C’est un bon rappel que malgré toutes nos idées sur l’efficacité et l’infaillibilité des ordinateurs, ils sont aussi un peu comme les conditions météorologiques : ils vont et viennent, font des choses que l’on ne comprend pas, et on ne peut pas tout prévoir de leur fonctionnement.

Un Nouvel Age de ténèbres. La technologie et la fin du futur, de James Bridle, aux éditions Allia, 320pp., 20€.

26 janvier 2022

Design: «On est tous capables de fabriquer des choses et de les réparer»

 

Designer lui-même, David Enon propose dans un manifeste de s’interroger sur la nécessité de produire des objets. Il invite chacun à réinvestir son environnement matériel, prend la défense des matériaux dits pauvres et en appelle au bon sens.

par Florian Bardou

publié le 25 janvier 2022 à 23h11

David Enon a une conception assez do-it-yourself du design. Du genre à réaliser des objets à partir de matériaux «pauvres»,modestes ou de récupération. L’un des projets passés du designer consistait ainsi à se fabriquer un siège trépied, d’un seul tenant, à partir d’un tronc trouvé dans une forêt de frênes malades. Autre exploration faite à la Réunion : fabriquerdu mobilier très simple grâce à l’accrétion minérale dans l’océan. A l’intérieur de structures métalliques immergées, un faible courant électrique permet de favoriser un dépôt minéral que viennent coloniser les organismes vivants. Ce procédé, écolo, participe alors à restaurer les récifs coralliens en danger puisque ces animaux se greffent facilement sur ce «ciment marin».

Car ce que cherche le designer David Enon, c’est «la pertinence plutôt que l’effet». Une «éthique» dont l’enseignant à l’Ecole supérieure d’art et de design Talm-Angers défend les contours dans la Vie matérielle : mode d’emploi, qui vient de paraître (1). «Ce n’est pas vraiment un essai, pas vraiment un guide pratique», précise son éditrice Amélie Petit. Un manifeste ? A partir de «cas pratiques» (construire une assise en carton récupéré par exemple), David Enon aspire en tout cas à ce que ses lecteurs, qui sont aussi des consommateurs souvent ignorants des procédés de fabrication des objets, reprennent en main leur vie matérielle. Du moins qu’ils y ­réfléchissent en les bricolant. Explications.

Pourquoi publier un mode d’emploi sur«la vie matérielle» ?

Mon travail consiste à dessiner des formes qui vont venir constituer notre environnement matériel. Je suis frappé par le fait que bon nombre de gens se sentent désarmés dès qu’il s’agit de construire, monter, accrocher ou réparer quelque chose. Nous avons perdu l’habitude de participer à la mise en forme de notre espace domestique. Il est souvent plus simple de faire comme si la vie matérielle n’existait pas, de l’ignorer purement et simplement. Si l’école nous enseigne énormément des savoirs fondamentaux (la parole et l’écrit, l’histoire et la géographie, les mathématiques, la physique et la chimie, etc.), peu de choses apprises sont en prise directe avec notre quotidien. Je plaide pour que la culture matérielle soit reconnue comme une vraie partie, noble, de la culture générale pour répondre à des questions simples : qu’est-ce qui détermine les formes des objets, des bâtiments, des villes ? Le titre de mon livre est bien sûr aussi un clin d’œil amusé à la Vie matérielle de Duras, qui est un contrepoint absolu à la vie matérielle, ainsi qu’à la Vie mode d’emploi de Perec, qui n’a pas grand-chose à voir avec un quelconque mode d’emploi.

Nous aurions perdu notre rapport aux objets et à leur fabrication ?

La mécanisation et l’automatisation ont apporté énormément de progrès et de confort à tous. L’industrie s’est prise à son propre jeu. On s’est mis à produire pour produire en oubliant, parfois, la raison même de la production. Cela nous a apporté le tout-jetable ou l’obsolescence programmée que les designers n’ont pas complètement réussi à contrecarrer. Aujourd’hui encore, il reste compliqué de réparer la plupart des objets, et c’est rarement avantageux économiquement parlant. Par ailleurs, un objet «mal fait», bricolé et réparé reste encore socialement perçu comme négatif.

Par les designers eux-mêmes ?

A mes yeux, le rôle du designer est aussi de travailler à éviter l’ajout d’un objet supplémentaire au monde, d’avancer les arguments pour ne pas produire ou pour produire autrement, c’est-à-dire un objet juste, selon des critères d’efficacité qui dépassent les logiques de profits à court terme et qui participent davantage du bien commun. Mais convaincre de ne pas produire un objet, tout aussi dispensable qu’il soit, va souvent à l’encontre des objectifs de l’entreprise : ça peut être un vrai dilemme.

Est-ce parce que les matériaux sont de plus en plus complexes ?

Ils ne sont pas forcément plus complexes. En fait, ce ne sont que de nouveaux agencements de la matière. Si on colle un bout de mousse sur un bout de tôle, d’un seul coup, elle ne va plus sonner. Certains concepteurs d’objets sont en train de revenir à cette forme d’empirisme et de simplicité dans l’articulation entre matériaux, qui consiste à les prendre pour ce qu’ils sont sans chercher l’illumination dans une prétendue innovation. Dans le design, comme dans la conception d’objets, on a tendance à traquer ce qu’on pense être des «matériaux écologiques», alors que les matériaux écologiques, ça n’existe pas : c’est leur usage qui est écologique ou non… Plus que les matériaux, je dirais que c’est notre milieu que nous avons terriblement complexifié. La Terre est une mine dont nous extrayons toujours plus de substances, substances que nous modifions sans cesse. Nos productions artificielles et nos déchets reconfigurent sans cesse les panels de ressources finies disponibles.

Les matières innovantes ne sont pas si nombreuses…

En effet, en un sens, depuis la classification périodique des éléments établie par Mendeleïev [le tableau qui répertorie tous les éléments chimiques selon leur numéro atomique et leurs propriétés, ndlr] en 1869, on n’a découvert que peu de choses. On a diversifié et précisé des manières d’agencer la matière. Si les recettes semblent se complexifier, finalement les ingrédients restent les mêmes. L’appellation «nouveau matériau» tient plus du marketing que de la révolution…

L’avenir est-il dans la combinaison des matériaux ou leur simplification ?

Ni l’un ni l’autre. Il ne faut pas être trop manichéen. Cela dépend de la situation. On peut aussi bien empiler trois pierres pour faire un siège – ou même deux carcasses d’ordinateur, en attendant de les recycler, ou séparer les différents éléments qui les composent pour en faire autre chose. Bien entendu, il ne s’agit pas de revenir à l’âge de pierre qui était très HQE (label haute qualité environnementale). Une piste est de revenir à une seule matière essentielle, à être mono matériau en quelque sorte, une même matière que l’on va travailler et agencer sous ses différentes formes pour répondre à un problème posé. Il faudrait aussi pouvoir associer et dissocier des matériaux : faire et défaire. Peut-être mettre en place un «indice de réversibilité» [qui serait plus ambitieux qu’un «indice de réparabilité» pour contrer l’obsolescence programmée] ? On peut fabriquer des matériaux ou des objets que l’on pense juste et se rendre compte vingt ans plus tard que ça ne marche pas, que ce n’était pas une bonne idée. Dans les années 80, en macrobiotique [l’ancêtre du bio], on conseillait de cuire ses aliments sur une plaque d’amiante vendue à cet effet…

Pourquoi les matériaux dits «pauvres» sont-ils parfois les plus efficaces ?

Les matériaux pauvres sont intéressants parce qu’ils ne sont pas chers et qu’il faut aller débusquer leurs qualités au-delà de ce pourquoi on les utilise a priori. Et effectivement, on ne parle jamais de matériaux «riches» : on parle de l’ébène, du palladium, de l’or, etc. ; mais finalement comme le dit le designer italien Bruno Munari, «à quoi sert de dessiner des robinets en or si l’eau qui en coule n’est pas potable ?». Ce qui est intéressant dans les matériaux dits «pauvres», c’est le geste qu’on leur applique, sa justesse, et le dialogue qui va naître entre le designer et la matière pour l’utilisateur. On peut penser au contreplaqué, utilisé pour barricader des chantiers ou pour construire des caisses de transport. Peu onéreux, il a été utilisé par de nombreux designers et architectes. On s’est habitué à cette esthétique d’abord perçue comme pauvre. Elle est même devenue terriblement à la mode. Avec les matériaux «pauvres», on ne peut pas se cacher comme on le fait derrière la qualité intrinsèque du marbre ou la brillance de l’or.

Pourquoi le recyclage des matériaux est-il «une forme de gaspillage» ?

C’est un peu de la provocation, mais pour moi, le recyclage c’est ce qu’il y a de pire après le jetable. Prenons les bouteilles de vin en verre. Il n’existe que deux formes de bouteille. Plutôt que de les réemployer, comme on le faisait avec la consigne, on les jette dans un conteneur, elles vont être broyées, puis à nouveau chauffées à 1 400 °C pour refaire exactement la même bouteille : c’est une perte d’énergie absolue. Pour certains objets que l’on a mis en forme, le recyclage est cependant le seul moyen à notre disposition pour revenir en arrière et récupérer la matière dont il existe une quantité finie sur Terre. Lorsqu’on détruit un bâtiment, il est plus compliqué de récupérer l’acier pris dans le béton que de démonter une charpente métallique. Dans le design, on parle d’économie de gestes et de matière quand il s’agit de concevoir un objet. On devrait également penser à sa prochaine vie en veillant à la possibilité de réemployer ses composants sans avoir à les transformer à nouveau.

Comment reprendre la main sur notre environnement matériel ?

En commençant par réaliser qu’on a tous le droit de le faire, que ce n’est finalement pas compliqué. Avec un peu de bon sens, on est tous capables de fabriquer des choses et de les réparer sans être accompagné par des spécialistes ou des techniciens. Même si les ponts avec la vie matérielle ont été coupés par l’industrialisation, que la société de consommation nous enjoint de jeter, on est tous dotés des compétences nécessaires, à commencer par un esprit de déduction. On n’est pas obligé d’être menuisier ou tapissier pour refaire un fauteuil : s’il est cassé, on peut visser sommairement un morceau de bois, décider de coudre autour une bâche plastique ou de le recouvrir d’une peau de mouton plutôt que de s’en séparer. Et si on a besoin de s’asseoir, il suffit de regarder autour de soi : le muret d’à côté fera sans doute l’affaire. Cela peut être suffisant, satisfaisant et très gratifiant. Il y a un véritable plaisir à faire soi-même.

En gros, le design gagnerait à être plus low-tech ?

Dans certaines situations, c’est tout à fait suffisant. Mais ce n’est pas toujours le cas. C’est l’articulation juste, me semble-t-il, qu’il s’agit de trouver entre low tech et high-tech – ce que certains nomment la wild tech. Il faut casser ce manichéisme entre low et high. On a souvent tendance à penser à tort que design est synonyme d’innovation, alors qu’une contre-innovation peut apporter davantage de progrès. On peut résoudre des problèmes simplement avec bon sens. Une jeune génération de designers travaille en ce sens, comme Pablo Bras avec ses microdispositifs de récupération d’énergie à greffer sur les pavillons, ou le duo Canel et Averna, qui propose notamment des enseignes cinétiques plutôt que lumineuses. Malheureusement, l’industrie n’est pas encore très ouverte à ces manières de faire : produire autrement et mieux est rarement compatible avec une exigence d’augmentation des gains.

(1) Editions Premier Parallèle.

Une base de données de matériaux

On peut y toucher, au hasard des étagères, du géotextile de drainage aussi bien qu’une «fibre de beauté» cotonneuse, en polyester lié à de l’Umorfil (matière fabriquée à partir de déchets de poisson). Au showroom MatériO’ (IXe arrondissement de Paris), la matière s’expose dans ses états les plus inventifs, déclinaison physique de la base de données qu’a constituée son fondateur Quentin Hirsinger. «On est là pour ne montrer que de l’exceptionnel, du singulier et de l’innovant», souligne ce chasseur de matériaux. Depuis une vingtaine d’années, cet ancien responsable d’un «embryon de matériauthèque» dans une agence d’architecture, court les salons techniques – sur les polymères par exemple – à la recherche d’innovations dans le domaine. L’ensemble, près de 10 000 matières référencées à ce jour, est à la disposition de son millier d’adhérents : designers, architectes et créateurs de tous poils (mode, horlogerie, cosmétiques, packaging, etc.). «Ainsi, ces gens peuvent imaginer des applications complètement originales», poursuit Quentin Hirsinger. Il peine pourtant à convaincre les industriels, malgré «une opportunité gratuite d’avoir des débouchés». Manque de curiosité ?

23 novembre 2021

Pas de «greenwashing» pour sauver le nucléaire !

 

Un nombre croissant d’Etats de l’Union européenne (UE) appellent à inclure le nucléaire dans la taxonomie verte européenne. Huit d’entre eux mènent l’offensive pour obtenir un label vert pour l’atome, le faisant bénéficier de nouveaux financements. Plutôt que d’agir dans l’intérêt général, ils soutiennent une industrie dépassée qui coûtera des milliards aux contribuables européens sans préserver le climat. Nos associations dénoncent fermement cette opération de greenwashing et appellent à mettre fin aux clichés sur le nucléaire.

Le nucléaire, essentiel pour répondre au défi climatique ? Tout d’abord, qui peut croire à la sincérité de cet appel pour le climat venant de gouvernements qui, en parallèle, poussent pour un soutien européen au gaz fossile, transformant la taxonomie verte en outil de greenwashing (1) ?

Le nucléaire européen connaît un déclin inexorable

«Allons-nous faire appel à nos meilleures armes pour décarboner notre économie ?» s’interrogent nos ministres. Pourtant, miser sur la construction de nouveaux réacteurs serait le plus sûr moyen de rater nos objectifs climatiques. L’Union européenne doit réduire ses émissions d’au moins 55 % d’ici à 2030. Or la durée moyenne de construction d’un réacteur est de dix ans, et 2/3 des réacteurs en chantier en Europe sont en cours de construction depuis bien plus longtemps (de quatorze à trente-six ans !). Au regard de l’urgence climatique, tabler sur une technologie si lente et sujette aux retards serait une aberration et une erreur impardonnable, alors que d’autres options offriraient des réductions bien plus rapides. Rénovation énergétique, efficacité énergétique, sobriété, énergies renouvelables : ces leviers sont connus et fiables.

«[L’énergie nucléaire] représente déjà près de la moitié de la production européenne d’électricité décarbonée», plaident les gouvernements pronucléaires, inversant allègrement les faits. En réalité, le nucléaire européen connaît un déclin inexorable : en 2020, pour la première fois, les énergies renouvelables (hors hydraulique) ont produit plus que l’atome, et l’écart devrait s’accroître dans les années à venir.

Le nucléaire, abordable et garant de notre indépendance énergétique ? Sans surprise, nos gouvernements déroulent le cliché d’un nucléaire permettant de réduire la dépendance européenne aux importations. Faut-il rappeler qu’il n’y a plus de mines d’uranium en fonctionnement en Europe ? Prétendre qu’un minerai extrait au Niger ou au Kazakhstan assure notre indépendance est faux et perpétue un raisonnement néocolonial qui ne dit pas son nom.

Le nucléaire, propre, sûr et performant ?

Le nucléaire serait «abordable» et protégerait les consommateurs. Certes, le coût de l’électricité en France, pays surnucléarisé, est plus bas que la moyenne européenne… mais les contribuables ont largement financé le programme atomique. De plus, de fortes dépenses sont à venir : extension de la durée de fonctionnement des réacteurs, gestion des déchets, démantèlement… Surtout, l’électricité produite par de nouveaux réacteurs sera tout sauf abordable. La Cour des comptes chiffre l’électricité que produirait l’EPR de Flamanville (Manche) entre 110 € et 120 €/MWh. Pour les EPR de Hinkley Point, ce serait 105 €/MWh : presque deux fois plus que les montants évoqués dans les derniers appels d’offres pour l’éolien en France ! Et l’écart continue de se creuser. Engloutir des dizaines de milliards d’euros dans le sauvetage du nucléaire sous prétexte de lutter contre le changement climatique est malhonnête et représente un gaspillage d’argent public.

Le nucléaire, propre, sûr et performant ? Présenter le nucléaire comme «propre» relève d’un mensonge inacceptable de la part de représentant·e·s de l’Etat. Même le fonctionnement «normal» des installations nucléaires génère une pollution chimique, thermique et radioactive de l’environnement, dont on retrouve les traces jusque dans l’eau potable de millions de personnes. Ces ministres semblent aussi oublier les stériles et résidus issus de l’extraction de l’uranium, héritage radioactif dont la gestion pose problème même en Europe. Enfin, la question des déchets n’est pas «sous contrôle». Nous n’avons toujours pas de site opérationnel pour accueillir les déchets les plus dangereux. En France, l’Autorité environnementale a mis en évidence les nombreux défauts du projet Cigéo à Bure (Meuse).

L’existence de contrôles réguliers ne suffit pas à faire du nucléaire une industrie intrinsèquement sûre. Ce serait oublier les accidents de Tchernobyl et Fukushima. En Europe, la surveillance des autorités de sûreté n’empêche pas que se produisent régulièrement des incidents, des fuites radioactives, des malfaçons sur les chantiers, ni même des fraudes massives dans les usines, comme en France. Et si le nucléaire est si sûr, pourquoi l’autorité de sûreté française a-t-elle mis en place un programme sur le «post-accidentel» ?

La protection du climat exige des actions fortes et urgentes

Pour nos ministres, le nucléaire est «une industrie leader dans le monde, dotée de technologies de rupture uniques». Voilà qui relève de la méthode Coué. En réalité, cette industrie est en déclin et sans soutien public, elle serait déjà en faillite. Concernant les ruptures technologiques, citons simplement le Giec : «La faisabilité politique, économique, sociale et technique du solaire, de l’éolien et du stockage de l’énergie s’est spectaculairement améliorée ces dernières années, tandis que celle du nucléaire […] n’a pas connu d’amélioration similaire.»

Et d’où sortent ces «près d’un million d’emplois très qualifiés en Europe» ? Même la France et son parc surdéveloppé n’offrent que quelques centaines de milliers d’emplois directs et indirects dans ce secteur. Les millions d’emplois à créer en Europe sont dans les alternatives énergétiques, pas dans le nucléaire.

Dangereux, polluant, produisant des déchets dangereux pour des millénaires, trop lent et coûteux pour relever le défi climatique, le nucléaire ne peut absolument pas prétendre être «traité de la même manière que toutes les autres sources de production d’énergie décarbonée», comme le demandent nos ministres.

Alors que s’approche la décision sur la place accordée au nucléaire dans la taxonomie, nous dénonçons fermement cette alliance contre nature entre des gouvernements, censés protéger les populations, et une industrie dangereuse.

La protection du climat exige des actions fortes et urgentes. Il est révoltant que nos dirigeants en fassent un simple élément de langage pour la promotion du nucléaire, tout en refusant d’agir à la hauteur des enjeux.

(1) Lire l’analyse du Réseau Action climat : «La taxonomie verte européenne devient un outil de greenwashing», du 21 avril 2021.
Liste des signataires : Amis de la Terre Europe, Réseau Sortir du nucléaire (France), Réseau Action climat (France), Women Engage for a Common Future (France), Action des citoyens pour le désarmement nucléaire (France), Focus - Association pour le développement durable (Slovénie), Calla - Association pour la protection de l’environnement (République tchèque), Děti Země (République tchèque), Hnutí Duha - Amis de la Terre (République tchèque), Common Earth (Pologne), Femmes contre l’énergie nucléaire (Finlande), Femmes pour la paix (Finlande), Groupe des scientifiques et techniciens pour un futur sans nucléaire (Catalogne), Folkkampanjen mot kärnkraft-kärnvapen (Suède), Noah – Amis de la Terre (Danemark), Wise (Pays-Bas), Milieudefensie - Amis de la Terre (Pays-Bas), Global 2000 - Amis de la Terre (Autriche), Institut environnemental de Münich (Allemagne).

Les autres organisations signataires sur la page : https://www.sortirdunucleaire.org/Pas-de-greenwashing-pour-sauver-le-nucleaire-en

6 novembre 2021

Carlo Rovelli : «Notre perception du monde n’a pas besoin d’une réalité ultime et absolue»

Si la physique quantique est au cœur de la technologie moderne, on ne comprend pas encore ce qu’elle dit de la nature profonde du monde. Dans son dernier essai, le physicien italien décrit l’infiniment petit grâce à l’interprétation relationnelle, un monde où les objets n’ont plus de propriétés intrinsèques et seules compte les interactions. Un cheminement vertigineux et quasi «psychédélique».
par Erwan Cario
publié le 5 novembre 2021 à 20h26

Depuis sa découverte au début du XXe siècle, la physique quantique n’a cessé de faire les preuves de sa validité et de son efficacité. Elle est aujourd’hui au cœur du fonctionnement de toute la technologie moderne, des smartphones aux IRM en passant par Internet lui-même. Pourtant, on ne la comprend pas. Ou plutôt, on ne comprend pas ce qu’elle dit de la nature profonde de notre réalité. C’est le sujet de Helgoland, dernier livre du physicien italien Carlo Rovelli, auteur en 2018 de l’Ordre du temps. Pourquoi un électron n’a-t-il pas de position quand on ne l’observe pas ? Comment une particule peut-elle se trouver dans plusieurs états «superposés» ? Forcément, se dit-on, si tout ceci a un sens, ça ne va pas être simple à accepter. En introduction de son livre, Carlo Rovelli prévient : «Réfléchir aux implications de la mécanique quantique est une expérience quasi psychédélique qui nous force à renoncer, d’une manière ou d’une autre, à quelque chose qui nous semblait solide et inattaquable dans notre compréhension du monde.» C’est donc prévenus que nous avons lancé la visio et qu’il nous a expliqué tout cela depuis le Canada, où il habite aujourd’hui.

Décryptage

Vous commencez le livre par un retour au début du XXe siècle, quand ces jeunes scientifiques ont réussi, en l’espace de quelques années, à lever un voile sur la nature de la réalité grâce à la théorie des quanta… Ça vous fascine toujours, cette période ?

Hier soir, j’étais chez moi avec ma compagne, et je lui racontais les derniers éléments que je venais de trouver sur cette période. J’étais tout excité, à lui expliquer ce discours de Max Born que je venais de découvrir [rires]. Oui, ça me fascine toujours. Ce n’est pas seulement parce que c’est une période cruciale dans l’histoire des idées. C’est aussi que ce n’est pas encore tout à fait clair. Et retourner à cette époque, c’est aussi un désir de regarder dans le passé pour comprendre mieux. Pour voir si certains éléments dans le processus de découverte peuvent nous donner des clés aujourd’hui pour aller plus loin.

Helgoland, le titre de votre livre, c’est le nom de cette île de la mer du Nord sans arbre, balayée par les vents où le physicien Werner Heisenberg, l’un des pères de la mécanique quantique, a passé quelque temps à cause de ses allergies. Qu’a-t-il compris là-bas ?

Il a compris deux choses. La première, technique, c’est d’utiliser des tables de nombres pour décrire la nature. Et c’était finalement assez naturel parce qu’il étudiait la lumière qui vient des atomes, et il savait déjà que cette lumière venait du passage des électrons d’une orbite à l’autre autour du noyau. Et la fréquence de la lumière reçue dépend de l’orbite de départ et de l’orbite d’arrivée. Mettre ces informations dans une table semble alors assez naturel. Ce que Heisenberg a compris, c’est qu’on pouvait travailler directement avec ces tables, en les multipliant entre elles. C’est un coup de génie technique, et ça marche. La seconde chose qu’il a comprise est, elle, très conceptuelle et c’est, je pense, la vraie découverte. Heisenberg explique qu’il va introduire une nouvelle façon de décrire la nature où on ne parle que de ce qu’on observe directement. Dès lors, l’électron n’est plus un objet qui bouge dans l’espace, c’est quelque chose qui, de temps en temps, nous envoie des signaux. C’est l’énorme saut conceptuel. Il en est conscient et il l’écrit à son ami Pauli : «Tout cela est encore très vague et peu clair pour moi, mais il semble que les électrons ne se déplaceront plus sur des orbites.»

Vous expliquez qu’il y a quelque chose de très profond dans ce postulat de recherche…

Effectivement. D’une part, il ne s’agit pas d’un manque de connaissance. Ce n’est pas seulement qu’on ne décrit pas l’orbite de l’électron, c’est qu’il n’y a pas d’orbite de l’électron. Si on pense que l’électron est, malgré tout, quelque part, on fait des erreurs. Donc, c’est un fait, l’électron n’a pas de position. C’est radical et ça ne concerne pas que l’électron, mais tous les objets du monde, car tous les objets sont quantiques. Il y a une indétermination qui est intrinsèque et qui a été dévoilée par ces réflexions. D’autre part, ce n’est pas ce que nous les humains observons qu’on décrit. On décrit des choses qui n’ont pas de propriété propre, mais qui interagissent avec les autres et leurs propriétés sont toujours relationnelles.

Si ce qui compose l’univers, ce sont les relations entre objets, la physique quantique nous dit donc que lorsqu’une particule n’interagit avec rien, elle n’a pas de propriété…

Oui, c’est subtil. Je peux toujours dire qu’il y a une particule, mais celle-ci n’a plus de propriété. Mais c’est quoi, une particule sans propriété ? Elle n’a même pas de position. Elle n’est pas quelque part. Elle n’a pas de vitesse. Si on cherche à penser à ce qu’est une particule sans ses propriétés, ça n’a pas de sens en soi. Les particules ne prennent donc leur sens qu’au moment où elles interagissent avec quelque chose d’autre. La disparition des objets, c’est la disparition des objets avec des propriétés. On continue à parler d’objets. La physique quantique nous parle des systèmes, de l’atome, des électrons, etc. On ne fait pas sans, mais ils deviennent les nœuds de propriétés relationnelles.

Cette interprétation relationnelle prend tout son sens quand vous abordez le phénomène étrange de l’intrication, quand deux particules qui ont interagi par le passé restent corrélées malgré la distance…

Quand on est étonné par l’intrication, c’est qu’on imagine en quelque sorte un observateur qui pourrait tout voir en même temps, et savoir comment les choses sont «vraiment». Dans les faits, nous n’avons que la façon dont les choses se manifestent l’une à l’autre. Si on regarde toutes les interactions, entre les particules, entre les observateurs, entre les observateurs et les particules, tout est cohérent, il n’y a aucun mystère. Ça devient incohérent seulement si on cherche à imaginer des faits objectifs, absolus.

Il y a eu, dans les années 30, un âge d’or de la discussion sur l’interprétation de la physique quantique, pour essayer de comprendre ce qu’elle dit du fonctionnement profond de notre monde. Cette discussion n’est-elle pas un peu passée depuis à un second plan, occultée par les innombrables succès applicatifs issus de la théorie ?

La théorie quantique, c’est la seule théorie générale en physique pour laquelle on n’a jamais trouvé de contradiction. Ce n’est peut-être pas la théorie ultime, mais on n’en voit pas les limites aujourd’hui. Durant toute ma vie, j’ai suivi toutes les découvertes, et il y a eu de grands résultats de mécanique quantique expérimentale et applicative. Il y a eu des prix Nobel, en France notamment. Mais tout ce qui a été découvert et expérimenté était déjà écrit dans les livres. La seule surprise, finalement, c’est que tout correspond à la théorie. Il y a eu effectivement un âge d’or de la discussion sur le sens de cette physique. Qu’est-ce que ça veut dire, d’affirmer qu’il n’y a pas de description de la position de l’électron quand on ne l’observe pas. De Broglie, Einstein, Bohr, Heisenberg ou Schrödinger et beaucoup d’autres ont participé à ce débat, surtout dans les années 30. Et cette discussion s’est ensuite un peu arrêtée. Effectivement, pour toutes les applications, dans un transistor ou un laser, on n’en a pas besoin. On a donc en quelque sorte arrêté de se poser des questions et on est allé de l’avant.

Mais, petit à petit, à partir des années 60, la discussion a repris, et de nos jours, elle est de nouveau très vive. Aujourd’hui, la plupart des scientifiques acceptent le fait qu’il y a ici une grande question ouverte. Et tant mieux, parce que la science, ce n’est pas une question de mesures, d’équations et de résultats. Il faut se faire une idée de ce qui se passe. Au début de la révolution scientifique moderne, quand Copernic a conçu son système en expliquant que la Terre tourne sur elle-même et autour du Soleil, on lui a répondu que ça n’avait aucun sens. Pour les autres, il y avait des calculs qui nous disaient où se trouvaient les planètes dans le ciel, et tout le reste, l’interprétation de ces calculs par Copernic, ce n’était pas de la science. Ils avaient tort. La discussion de savoir si la Terre est ou non au centre de l’univers, c’est une discussion philosophique. Mais si on affirme que oui, on ne comprend rien. A l’époque de Copernic, un autre astronome, Tycho Brahe, avait imaginé un système où le Soleil tournait autour de la Terre, et les autres planètes autour du Soleil. C’était conforme aux équations, mais ça ne tenait pas la route. Changer d’interprétation, ça revient à comprendre. Avec la mécanique quantique, peut-être qu’on n’a pas encore bien compris. Le discours de Max Born que je lisais hier, c’est quand il a eu le prix Nobel en 1954. Il termine en disant qu’on a l’impression que quelque chose nous échappe, qu’on pense peut-être à la mécanique quantique en utilisant une notion qui nous semble évidente, comme la Terre qui ne bouge pas, mais qui n’est pas correcte. Et cette notion trop évidente, c’est peut-être ça, que les objets ont des propriétés propres.

Si on enlève les objets, il nous manque quelque chose à nous, humains. Il nous manque la substance originelle de l’univers tel qu’on le pense. C’est la base de notre interprétation de la réalité. Et vous nous expliquez qu’il n’y en a pas besoin, que l’univers est un immense jeu de miroirs…

J’explique aussi qu’on retrouve ce genre d’idées similaires ailleurs, dans la philosophie occidentale, dans la philosophie orientale… Je parle par exemple dans mon livre de Nagarjuna, ce penseur bouddhiste du IIe siècle, parce qu’on y retrouve des notions, une façon de penser très utile pour effectuer ce saut conceptuel de la perception relationnelle de la nature. Selon ce philosophe, il est possible de penser au monde, non pas comme étant fait d’objets avec une réalité intrinsèque, mais d’objets qui dépendent des autres. Et cette dépendance fondamentale des choses les unes par rapport aux autres peut nous aider dans la démarche intellectuelle nécessaire pour penser la mécanique quantique. Je peux penser à l’électron, mais je peux le voir comme sa manifestation par rapport à d’autres choses, pas comme un objet en soi. Et la pensée de Nagarjuna est très radicale. Pour lui, la réalité n’existe pas, mais pas dans le sens où la réalité usuelle n’existe pas, dans le sens où quand je parle de la réalité, il s’agit toujours d’une réalité relative. Quand je dis qu’une chose est réelle, c’est toujours dans son contexte. Notre perception du monde n’a pas besoin, en fait, d’une réalité ultime et absolue.

L’humanité a mis longtemps à accepter le fait que la Terre tourne autour du Soleil, et nous n’avons pas encore tout à fait intégré dans notre intuition que le temps n’est pas le même partout… Est-ce que vous pensez qu’un jour, on pourra assimiler le fait que le monde n’est pas fait d’objets, mais de relations ?

C’est une question de temps. Si on arrive à ne pas s’autodétruire avant, je pense qu’on y arrivera. Pour le temps, c’est en train de changer. C’est le thème du film Interstellar par exemple et c’est présenté comme un fait réel accepté par le public. On s’y habitue. Et on peut s’habituer à l’étrange vision du monde que nous propose la physique quantique. Pour y arriver, il faut comprendre que, malgré la radicalité de la proposition, ça ne remet pas en question notre perception du monde. Même si on a compris que les objets n’ont pas de propriétés propres, le crayon que je tiens dans la main reste un crayon. Comme quand on regarde une forêt de loin. On ne voit pas tout ce qui s’y passe, mais ça ne veut pas dire que ce que je vois est faux. La forêt existe, elle est là, verte, uniforme, comme une sorte de velours qui recouvre la montagne, même si je ne vois pas tous les arbres, les animaux, les insectes, toute la complexité de l’écosystème.

Il y a aussi un côté politique très fort, je trouve, dans le fait d’interpréter la réalité en termes de relations plutôt qu’en termes d’entités. Si je pense à l’humanité en tant qu’ensemble d’interactions entre les êtres, si je pense à la société en général, au niveau mondial, comme des interactions entre les pays au lieu de voir les pays comme des entités, ça amène de façon naturelle à penser en termes de collaboration plutôt qu’en termes de compétition. Et je pense que c’est une urgence aujourd’hui. Si on cherche d’abord qui sont nos adversaires sur la scène internationale, on perd de vue cet aspect relationnel si fondamental. C’est malheureusement la direction que nous prenons en ce moment.

Helgoland de Carlo Rovelli éd. Flammarion 272 pp., 2
29 octobre 2021

42 raccourcis clavier Windows indispensables

Les 10 raccourcis clavier de base sur Windows

Ces raccourcis mythiques fonctionnent sur toutes les versions de Windows. Du fait de leur popularité, ils sont également disponibles sur de nombreux logiciels de bureau.

  • Ctrl+C : copier
  • Ctrl+X : couper
  • Ctrl+V : coller
  • Ctrl+Z : annuler
  • Ctrl+Y : rétablir
  • Ctrl+A : tout sélectionner
  • Ctrl+P : imprimer
  • F1 : afficher l’aide
  • Ctrl+Alt+Suppr : pour ouvrir le gestionnaire de tâche ou verrouiller l’ordinateur
  • Windows ou Ctrl+Echap : ouvrir le menu démarrer/basculer sur le bureau (Windows 8)

Les raccourcis Windows les plus+ utilisés par les professionnels

Pour améliorer votre productivité au travail, vous pouvez utiliser ces raccourcis clavier.

  • Ctrl+Roulette de la souris : pour zoomer/dé-zoomer.
  • Windows+P : pour changer le mode d’affichage (pratique avec un rétroprojecteur) : déconnecter le rétroprojecteur, dupliquer, étendre, ou rétroprojecteur uniquement.
  • Windows+F : pour lancer une recherche rapide sur un ordinateur
  • Windows+Maj+Clic : pour lancer une nouvel instance d’un programme. Exemple : cliquez sur l’icône Microsoft Word de votre barre de tâche pour ouvrir un nouveau document.
  • Windows+L : un raccourci clavier pour verrouiller son ordinateur.
  • Ctrl+Flèche gauche/droite : pour placer le curseur au début du mot ou du prochain mot.
  • Shift+Flèche gauche/droite : pour sélectionner du texte.
  • Ctrl+Shift+Flèche gauche/droite : pour sélectionner un mot entier.
  • Ctrl+Backspace : pour supprimer un mot entier.
  • Ctrl+F4 : pour fermer une fenêtre. Ou un ordinateur, si aucune fenêtre n’est ouverte.
  • Windows+E : un raccourci clavier pour afficher le poste de travail.
  • Maj à l’insertion d’un CD : ce raccourci permet d’empêcher la lecture automatique.
  • Ctrl+Windows+F : pour rechercher un ordinateur sur un réseau.
  • Echap pendant un processus : pour annuler le processus en cours (transfert, copie…).
  • Ctrl+Maj+Clic : pour ouvrir un programme en tant qu’administrateur.

Les raccourcis clavier Windows pour gérer les fenêtres

Windows fonctionne avec des fenêtres… d’où son nom. Il existe de nombreux raccourcis clavier pour passer d’une fenêtre à l’autre où les masquer facilement.

  • Alt+Tab : passer d’une fenêtre à l’autre. Maintenez la touche Alt enfoncée et appuyez une ou plusieurs fois sur la touche Tab pour accéder à la fenêtre de votre choix.
  • Alt+Shift+Tab : passer d’une fenêtre à l’autre (dans l’ordre inverse). Cette fois-ci, vous devez maintenir les touches Alt et Shift, et appuyer sur la touche Tab une ou plusieurs fois.
  • Windows+Tab : même principe qu’Alt+Tab, mais sous une forme plus visuelle. Fonctionne depuis Windows 7 lorsque la fonctionnalité Aero est supportée.
  • Windows+D : masquer toutes les fenêtres. Pratique pour afficher brièvement le bureau. Il suffit d’appuyer à nouveau sur les touches Windows+D pour récupérer les fenêtres.
  • Windows+Flèche vers le bas : si la fenêtre occupe tout l’écran (fenêtre agrandie), elle retrouve une taille classique. Un deuxième clique sur Windows+Flèche vers le bas minimise la fenêtre.
  • Windows+Flèche vers le haut : une raccourci clavier pour agrandir la fenêtre active.
  • Windows+Flèche vers la gauche : pour placer la fenêtre sur la moitié gauche de l’écran.
  • Windows+Flèche vers la droite : pour placer la fenêtre sur la moitié droite de l’écran.
  • Windows+Shift+Flèche droite ou gauche : permet de déplacer une fenêtre d’un écran à l’autre. Ce raccourci clavier ne fonctionne que si vous utilisez plusieurs écrans.

D’autres raccourcis Windows à connaître

  • Ctrl+N : ouvrir une nouvelle fenêtre.
  • F5 ou Ctrl+R : actualiser la fenêtre active.
  • Ctrl+Maj+Echap : affiche le gestionnaire de tâches, qui permet de fermer une application, afficher les processus ou les performances de votre PC en temps-réel.
  • Ctrl+clic : pour sélectionner plusieurs éléments (des fichiers ou des dossiers par exemple).
  • Shift+clic : pour sélectionner tous les éléments compris entre le premier et le second clic. Fonctionne avec du texte, des fichiers et des dossiers, et peut être combiné avec Ctrl+clic.
  • Maj (5 fois) : pour désactiver les touches rémanentes (ou les activer).
  • Alt+Maj : pour repasser le clavier en Français, si par mégarde votre clavier est passé en anglais. Ce raccourci ne fonctionne qu’avec la touche Alt gauche, et si plusieurs langues sont activées.
  • Maj+Suppr : pour supprimer définitivement un fichier ou un dossier. Vous ne passez pas par la corbeille et ne touchez pas 20 000 francs.c
26 octobre 2021

Moi, le cochon-greffon

par Luc Le Vaillant
publié le 26 octobre 2021 à 5h26

Je suis le cochon-greffon qui vient à la rescousse de l’humaine nature, quand celle-ci dépérit. Je sauve les plus faibles d’entre vous quand vos frères bipèdes renâclent au don d’organe ou vivent trop vieux pour être de la moindre utilité. Je suis le porc-salut qui n’en fait pas un fromage de cet échange de bons procédés, de ce transfert de compétences, de cette alliance des vivants.

Voici quelques jours, j’ai fourni un rein à un patient new-yorkais. Ma machinerie a fait son office, avant que le receveur, déjà en état de mort cérébrale, ne décède. Les perspectives d’avenir sont vertigineuses et il est assez clair que nous n’avons pas fini de profiter les uns des autres. Il y a compatibilité certaine entre nous, et je vous ai déjà fourni des valves aortiques. Cousins germains, nous avons les mêmes petits cœurs tendres, les mêmes foies dodus sans oublier nos rognons mignons et autres rogatons.

Notre interdépendance se boutonne désormais élégamment et revêt la blouse blanche du progrès scientifique quand elle fut longtemps fangeuse comme une souille, égrillarde comme une fin de banquet et sanglante comme une tue-cochon. J’étais le nettoie-tout de vos déchets et je prenais vos épluchures pour de la confiture. J’étais un vidangeur sur pattes, un compost animal, un recycleur à jarrets replets. Je me roulais dans la boue et vous vous pinciez le nez. Je n’étais pour vous que de la chair à saucisse et vous me tailliez le bout de gras, sans souci de mon fors intérieur et de ma sensibilité de fort des Halles. Bientôt, je vais grandir en chambre stérile pour éviter aux végans, que vous êtes en train de devenir, de finir légumes.

Vous et moi, nous sommes cannibales, du moins omnivores. Nous avions en partage une même ardeur de basse-cour, une même dégueulasserie d’arrière-boutique, qui sentait l’ail et le purin, l’oignon et l’étron. Et voilà que je me fais angelot, que je deviens votre bébé-médicament. J’accepte d’être cloné et génétiquement modifié pour vous complaire quand je ne pensais qu’à me goinfrer de vos horreurs. J’étais souillon de bas étage, Thénardière de vos viscères, receleuse de vos colombins. On me reconfigure blanche colombe et infirmière dévouée, donnant d’elle-même jusqu’au sacrifice de ce qu’elle a de plus cher, sa chair.

Fragiles contemporains, dont j’entreprends de sauvegarder l’espèce, je compte sur vous pour redorer mon blason et me rendre justice. Vu mon dévouement à votre cause, il serait bon que les religions qui continuent à me mettre à l’index rendent enfin hommage à mes mérites nourriciers et hospitaliers. Il est temps que les stricts observants musulmans, juifs, adventistes ou autres qui me passent au hachoir de leurs préceptes au lieu de me bichonner dans les saloirs, réhabilitent mes services. S’ils continuent à régenter les estomacs de leurs fidèles, juste pour affermir leur emprise et générer les frustrations qui déclenchent les génuflexions, j’envisage de devenir le chaînon manquant, au lieu du greffon charmant. Je m’interroge également sur la manière de répondre à la philosophie légumière qui prospère et pourrait me débarquer des linéaires. A interdit alimentaire, rétorsion sanitaire…

J’en ai autant après les initiatrices du mouvement «Balance ton porc !». Je ne vois pas pourquoi ce serait moi qui prendrais pour tous les malappris et autres bestiaux de la jungle des villes et des campagnes. Le bouc mal odorant pourrait faire office d’émissaire, c’est sa fonction coutumière, non ? Ou alors le cerf en rut pourrait écoper d’un blâme pour cause de brame ? Et que dire du gorille sans égards pour les commères du canton ? Il se trouve que cela me retombe toujours sur la couenne. Longtemps, je m’en suis contrefoutu, tout occupé à me laisser mener à la braguette par ma queue en tire-bouchon. Mais désormais que j’ai charge d’âmes, j’aimerais qu’on applaudisse ma bienveillance empathique et mon care charcutier. Je suis d’ailleurs candidat à la «légion donneur» que je placerais en rosette sur mon plastron.

Je me réjouis enfin de ne plus être le grand méchant loup de la fable hygiéniste. J’étais rat d’égout et bonne à tout faire. J’étais le cochon dans lequel tout est bon, j’en deviens encore meilleur. Je suis le symbole d’une hybridation réussie quand la chauve-souris de Wuhan en est le répulsif putride. Au panthéon des êtres composites, je copine désormais avec le centaure altier et la licorne ailée. Et tandis que le culte de l’ensauvagement et du séparatisme incite les parlementaires à remettre en liberté dauphins et lions, orques et tigres, j’accomplis le chemin inverse. Tandis qu’on ferme cages et bassins et qu’on renvoie vers le lointain les fauves de proximité, je m’immisce plus encore au cœur de ce voisin hautain qu’a toujours été l’homme. J’ose même ajouter que je me régale à sonder les reins de cette humanité avec laquelle je suis de plus en plus copain comme cochon.

8 octobre 2021

Facebook & Co : le Hold-up planétaire

par Olivier Ertzscheid, Enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nantes

Facebook est en panne. Et avec lui Instagram, Messenger et WhatsApp. Une erreur humaine qui a eu lieu pendant «une opération de maintenance de routine». Une erreur, une panne et pendant sept heures, 2,8 milliards d’utilisateurs Facebook, 2 milliards d’utilisateurs WhatsApp, 1,3 milliard d’utilisateurs de Messenger et 1,2 milliard d’utilisateurs Instagram sont privés… de quoi d’ailleurs ?

Une «infrastructure sociale» est en panne. C’est cela que Zuckerberg, selon ses propres termes, voulait faire de sa firme. Il est compliqué de lui contester ce succès. Lorsque cette infrastructure sociale majeure tombe, une partie tout sauf négligeable du monde tel que nous le connaissons et l’habitons, se fige. Comme lors d’une grève dans un service public majeur. On observe que lorsque les gens viennent ailleurs se plaindre, se moquer ou s’énerver de cette panne (sur Twitter surtout), ou tenter de la contourner (sur Telegram ou Signal), ils en parlent presque comme d’une grève.

Un service est en panne. L’occasion de mesurer ce qu’il nous rendait vraiment comme service. Et de revenir au problème et à la question fondamentale de Facebook et des autres : ils sont une partie aujourd’hui déterminante de notre espace public commun, une place centrale, une centralité exacerbée. Mais ils n’ont rien de public. Ni dans leur gouvernance, ni dans leurs objectifs, ni bien sûr dans leur modèle économique.

«Dark Social»

Les conversations sont en panne. C’est de cette panne qu’il s’agit. Le Web des origines a toujours été celui de ces conversations entre des gens qui ne parlaient, ni ne «se parlaient» pas avant mais qui restèrent longtemps, dans leur nombre, une forme de marge, de périphérie, mais de périphérie reliée. Ces conversations ont grossi en volume, en intensité, en nombre, en dynamique. La conversation publique, ce «café du commerce» hier si méprisé par une éditocratie qui n’envisage plus aujourd’hui de parler d’autre chose que de ce qui s’y dit en bord de zinc, cette conversation publique est tout entière captée, potentialisée, mais modelée et fabriquée aussi, par Facebook. Et l’ensemble des trois autres services tombés (Instagram, Messenger et WhatsApp) sont l’autre conversation : la conversation privée, intime, celle qui rythme nos quotidiens, le covoiturage de nos enfants, l’organisation des prochaines vacances, le groupe où l’on s’envoie les photos de famille. Mais souvent ces espaces de conversations intimes redeviennent politiques ou idéologiques. Ce qui se dit et se trame dans ces ensembles qui forment un «Dark Social» est déterminant. Or toutes les influences et tentatives de désinformation s’y exercent aussi sans que jamais il ne soit possible de les y observer en train de se nouer ou de s’y dénouer. Sauf pour Facebook.

La démocratie est en panne ? On peut au moins se demander ce qu’il reste de la démocratie lorsque la société privée faisant fonction d’infrastructure sociale conversationnelle s’effondre. Il reste une béance pour toutes celles et ceux qui n’auront ni le temps, ni l’envie, ni l’énergie de sortir de cet habitus qui norme nos pratiques et celles de nos enfants depuis déjà tant d’années.

Quelques jours avant la panne, le Wall Street Journal commençait à révéler les documents fournis par Frances Haugen, une ancienne salariée de Facebook devenue lanceuse d’alerte. Frances Haugen témoignait devant le Congrès quelques minutes à peine après le début de la panne. Elle y révélait et documentait ce que beaucoup d’observateurs et d’universitaires expliquaient et dénonçaient depuis longtemps : la réalité d’une firme cynique, dissimulatrice, et désormais fondamentalement toxique.

En pleine panne, Zuckerberg une nouvelle fois apparaît bien en peine de justifier l’injustifiable. L’impact délétère d’Instagram sur la santé mentale des plus jeunes, l’instrumentalisation des discours de haine dès lors qu’ils demeurent rentables économiquement, le réglage des algorithmes qui renforcent les effets de polarisation, la modération arbitraire et discrétionnaire des comptes «influents» dispensés des règles s’appliquant à la plèbe… A chaque fois, Facebook savait, à chaque fois, Zuckerberg mentait. Facebook est en panne. Zuckerberg est en peine.

Il nous reste le Web

La panne réparée, il nous faut encore écouter le dépanneur en chef. Face aux révélations accablantes de Frances Haugen, Mark Zuckerberg est venu tenter de se défendre. De manière presque pathétiquement scolaire, il a commencé par nier l’évidence, puis a tenté de discréditer la lanceuse d’alerte en laissant entendre qu’elle était manipulée, et enfin il a réclamé… de la régulation. «Dites-nous à partir de quel âge il faut autoriser les enfants à accéder à nos services, contraignez-nous à vérifier leur âge, ordonnez-nous d’arbitrer entre la préservation de leur vie privée et la possibilité pour leurs parents de surveiller leurs activités.» On aurait dit un adepte des pratiques SM mandiant la bastonnade.

Oui, Facebook est en panne. Mais la panne dont il s’agit n’est cette fois pas réparable. Panne de confiance, panne de crédibilité. Cela ne suffira probablement pas à faire tomber Facebook mais il est tout à fait certain que cela continue d’abîmer durablement nos démocraties et les conversations dont elles sont faites.

La démocratie numérique n’est pourtant pas une chose si compliquée. Elle nécessite que chacun puisse s’exprimer s’il le souhaite. Que cette expression et sa visibilisation puissent se faire en toute transparence. Que des collectifs plutôt que des singularités organisent l’éditorialisation de ces expressions publiques. Et que l’espace public où s’expriment des opinions comme des faits soit exempt de toute forme de publicité garantissant sa possibilité même d’existence. Quatre conditions que revêt, par exemple, l’encyclopédie Wikipédia.

Facebook est en panne mais il nous reste le Web. Il nous faut investir et inventer d’autres espaces, d’autres conversations, d’autres expressions qui soient sincèrement publiques. La régulation demeure un vrai sujet et s’il est un point sur lequel Zuckerberg à raison d’appuyer, c’est sur l’hypocrisie fondamentale des Etats qui rivalisent de cynisme dilatoire en la matière, l’auditionnant d’une oreille, mais gardant l’autre à l’écoute du lobbying constant de la firme qui les infiltre.

La privatisation totale, par une firme monopolistique, des infrastructures conversationnelles permettant quotidiennement à presque 3 milliards d’individus de se parler, de s’informer et d’en parler, est au mieux une aporie et plus vraisemblablement une menace pour toute forme de démocratie ou d’aspiration à fabriquer du commun. Il nous faut parler d’autre part. Il nous faut habiter ailleurs. Retourner sur le Web. Car pendant que Facebook était en panne, il nous restait le Web.

Olivier Ertzscheid est l’auteur de : le Monde selon Zuckerberg. Portraits et préjudices, chez C & F Editions, 2020.
7 octobre 2021

Travailler. La grande affaire de l’humanité,


Pourquoi sommes-nous des fous de boulot ?
Article réservé aux abonnés

Notre obsession pour la productivité nous fait bosser toujours plus. Au point que le travail perd peu à peu de son sens, estime l'anthropologue James Suzman dans son dernier livre.

Avec la quatrième révolution industrielle, celle des nouvelles technologies numériques, biologiques et physiques, on est loin de moins travailler. (Westend61/Getty Images)

par Lucas Sarafian
publié le 6 octobre 2021 à 5h10

En 2013, Miwa Sado, journaliste japonaise, est morte subitement à 31 ans dans l'exercice de ses fonctions, téléphone encore en main. Une enquête du ministère du Travail a conclu que cette tragédie devait être classée en tant que «mort par surmenage». En effet, le mois précédent son décès, ses relevés informatiques et téléphoniques ont révélé qu'elle avait effectué au moins 209 heures supplémentaires. Comment en est-on arrivé là ? Dans Travailler. La grande affaire de l'humanité (Flammarion, 2021), l'anthropologue James Suzman remonte aux origines du travail et de nos vies et arrive à ce constat : aujourd'hui, nous travaillons trop.

Cet épuisement lié au travail, la tribu des Bushmen Ju/'hoansi, que l'auteur a étudiée pendant de nombreuses années, ne peut pas le connaître. Eux qui mènent une vie de chasseurs-cueilleurs, dans le désert de Kalahari en Namibie, travaillent exclusivement dans un seul but : répondre à leurs besoins matériels immédiats. Pour Suzman, le mode de vie de cette communauté nomade prouve bien qu'il n'est pas dans notre nature d'être obsédé par le travail. Se pose alors une question : pourquoi dédions-nous toute notre journée au travail alors que quelques heures seraient suffisantes comme le faisaient les chasseurs-cueilleurs ?

Sa réponse est de dire que le travail a été détourné de sa fonction initiale. Alors que son temps s'allonge sans cesse, il ne cherche plus à répondre à nos besoins essentiels. Aujourd'hui, dans les sociétés occidentales, le travail a effectué un mitage insidieux dans nos quotidiens. Les personnes que l'on fréquente et qui nous influencent le plus sont celles que l'on côtoie au boulot. «Ce que nous accomplissons définit aussi ce que nous sommes», souligne Suzman.
L'obsession de produire toujours plus

Une tendance, qui s'est accentuée au tournant du XXIe siècle, mais qui est née de l'obsession des sociétés pour la croissance et la productivité, et de l'héritage de deux évolutions essentielles que sont l'adoption de l'agriculture comme mode majoritaire de production et le rassemblement des hommes dans les villes. Résultat ? Le travail n'est plus consacré «directement à l'acquisition des ressources énergétiques dont [la population] avait besoin pour survivre». Une pensée qui sèmera ses graines au point de donner naissance à la peur de ne plus produire assez et l'envie d'accumuler toujours plus de richesses. Un cercle vicieux s'installe et il devient impossible de s'arrêter de travailler.

Aujourd'hui, l'heure est à la quatrième révolution industrielle : celle des nouvelles technologies numériques, biologiques et physiques. Si des inquiétudes émergent quant à l'arrivée des robots ou des machines nées de l'intelligence artificielle sur le marché du travail, James Suzman regrette que ces progrès techniques n'allègent pas «le poids de notre obsession pour la croissance économique» et ne nous permettent pas de moins travailler. Ce recul du travail, d'autres en avaient rêvé : Adam Smith imaginait au XVIIIe siècle que des «machines ingénieuses» allaient abréger et faciliter le travail. John Maynard Keynes y croyait fermement, jusqu'à imaginer une semaine de quinze heures. Une chose est sûre : tous se sont trompés. Pour l'instant ?
Travailler. La grande affaire de l'humanité, James Suzman, Flammarion, 480 pp., 23,90 €.

5 octobre 2021

Emilie Aubry, au-dessus des cartes

La journaliste-télé et animatrice d’émissions sur Arte se passionne pour la géographie et les relations internationales.

par Thibaut Sardier

«Arrêtez de sourire !» Lorsqu’elle a entendu ces mots dans l’oreillette – ceux de Jean-Pierre Elkabbach – elle a craint d’avoir «l’air d’une cruche» en direct. C’était en 2006, lors du premier débat de primaires jamais diffusé à la télévision française, celui du PS. Propulsée à la présentation peu après être devenue mère, Emilie Aubry était un peu déboussolée et en garde peu de souvenirs. La suite est plus claire : un succès inattendu installe dans le PAF ce visage toujours souriant mais plus décontracté. Le genre de tête discrète dont on se souvient sans toujours savoir où on l’a vue. Entrée chez Arte en 2008 après sept ans de journalisme politique sur la Chaîne parlementaire (LCP), elle présente désormais les soirées reportage Thema du mardi, et le Dessous des cartes, emblématique rendez-vous qui anime les mappemondes pour décrypter les relations internationales. Contrairement à de nombreux animateurs, elle n’a ni boîte de prod ni contrat renouvelé chaque saison, mais un CDI de rédactrice en chef de l’émission qui lui vaut d’être directement salariée d’Arte. Belle-fille du producteur Pierre-André Boutang, qui anima sur la même chaîne l’émission culturelle Metropolis, elle ne lui doit pas sa place. «Il m’avait même dissuadée d’y venir !» dit-elle. Elle lui doit en revanche son goût pour la télévision. «Nous l’avons beaucoup regardée ensemble. Le meilleur et le pire : Palace et les Nuls comme MetropolisAujourd’hui, elle oscille entre Columbo sur TMC et les JT de 20 heures qu’elle continue de regarder, attentive à l’inhabituelle multiplication des sujets internationaux du fait de la situation en Afghanistan.

L’animatrice «incarne» donc (comme on dit à la télé) la géopolitique. La fonction suscite généralement peu de vocations chez les journalistes télé, qui préfèrent l’info pure et dure. Mais elle assume. En juin, elle a même choisi d’arrêter la présentation de l’Esprit public sur France Culture, rendez-vous emblématique (et un peu ronronnant) du dimanche matin 11 heures consacré au débat d’actualité. Tant pis pour l’année électorale. Elle souhaite avoir du temps pour souffler avec sa fille collégienne et ses deux beaux-fils vingtenaires. Mais elle veut aussi se consacrer à fond au Dessous des cartes, ce qui lui vaut de courir de festival de géopolitique en Fête de l’Huma pour promouvoir l’atlas papier très réussi tiré de l’émission, cosigné avec le géographe Frank Tétart.

«Depuis juin, on me demande si c’était vraiment mon choix d’arrêter.» Interrogée même à la piscine, elle répète qu’elle n’a pas été évincée par son successeur Patrick Cohen, rescapé d’une Europe 1 en pleine «bollorisation». «C’est fou comme dans ce milieu, les gens ne comprennent pas qu’on puisse ne pas vouloir toujours plus», commente-t-elle. La directrice de France Culture, Sandrine Treiner, voulait qu’elle continue. Elle se veut aujourd’hui magnanime : «Il n’y a que les hommes pour considérer qu’on est définitivement propriétaire de ce que l’on fait. […] Mieux vaut s’arrêter lorsqu’on a encore une envie plutôt que quand on n’en peut plus.» Aubry a souvent fonctionné comme ça : «A LCP, je regardais les journalistes seniors, qui en étaient à leur énième remaniement. Je les enviais un peu, mais j’ai eu très vite l’impression de redoubler.» En 2006, après le succès des primaires PS, les propositions pleuvent pour faire de l’actu en plateau, de LCI à M6. Voulant s’enraciner dans le métier sans devenir femme-tronc, elle n’y va pas.

Ses rentrées n’ont pas toujours été tranquilles. En 2017, elle reprend en même temps le Dessous des cartes et l’Esprit public. «Elle a dû remplacer à la fois un mort et une statue vivante», commente Sandrine Treiner. Le premier, c’est Jean-Christophe Victor, disparu fin 2016, ethnologue, enseignant-chercheur et spécialiste de géopolitique, à la tête de l’émission depuis 1990. N’ayant pas le même cursus, elle assume : «J’ai mis 200 000 pancartes en disant : “Je ne suis ni universitaire, ni chercheuse.”» Elle mise sur un rôle de «passeuse» qu’elle destine à une jeunesse en perte de repères géopolitiques. «Je me retrouve à expliquer à mes enfants la différence entre un Etat de droit et un Etat autoritaire, à leur dire en quoi la Chine est une dictature !» s’anime-t-elle. S’offusquant quand on lui demande pour qui elle vote – une journaliste n’aurait pas à le dire – elle fait une exception à la neutralité pour se dire engagée pour les valeurs démocratiques et pour l’Europe.

La statue vivante, c’était Philippe Meyer. Le fondateur de l’Esprit public a été pourtant déboulonné par Radio France. Il est parti fâché fonder un Nouvel Esprit public sur Internet. Le soutien d’auditeurs fidèles a valu à Aubry un petit déluge de commentaires sur les réseaux sociaux. «Une fois passées les remarques misogynes d’usage, tout s’est bien passé», résume Sandrine Treiner. Même avis du côté d’Aubry, dans son élément avec cette émission policée, qualifiée de «terrain d-émilie-tarisé» par le chroniqueur Thierry Pech. Elle clame sa «détestation de la culture du clash» et son attachement à «produire du consensus». Sa façon à elle de pratiquer le soft power.

Elevée dans les livres, Emilie Aubry est la fille de l’éditrice de littérature Martine Boutang. Elle a pour sœur et demi-sœur deux normaliennes et universitaires. «J’ai fait des études de lettres par tradition familiale, dit-elle. Mais après la prépa, j’ai fait de mon mieux pour rater Normale sup !» Traçant sa propre voie à Sciences-Po, elle n’a pas les diplômes du géographe. Mais elle en a les brevets symboliques : une collection de mappemondes et de guides du routard, des leçons inculquées par son grand-père maternel sur «la Loire qui prend sa source au mont Gerbier de Jonc»… et une capacité d’observation qu’elle exerce dans la baie de Somme où elle a un pied-à-terre avec son compagnon amoureux des Hauts-de-France. «Les baies, c’est intéressant car ce sont des mondes en soi que l’on saisit d’un regard» :vraie phrase de géographe. Il faut ajouter un goût pour le voyage. «Je n’ai pas été d’emblée une grande voyageuse. Mon enfance ayant été un peu compliquée, j’ai d’abord eu envie d’ancrage», dit-elle après avoir évoqué son père François-Xavier, juriste touché par une psychose maniaco-dépressive auquel sa sœur Gwenaëlle a consacré un livre remarqué, Personne. Le déclic est venu il y a quelques années, à Oman. «Elle me racontait son plaisir de découvrir ce mélange entre Moyen-Orient et Asie. Cela lui a fait pousser les murs, y compris dans sa tête», se souvient Sophie Des Déserts, journaliste et amie proche. Cet hiver, elle ira en vacances en Ethiopie, voir «ce pays d’Afrique qui s’en sort, sa capitale sous dépendance chinoise, un territoire riche en mythologies, de Lucy à la reine de Saba». Logiquement, elle rêve désormais d’une émission de reportage. En bonne géographe, elle sait que le dessous des cartes, ce sont les réalités du terrain.

1975 Naissance à Paris

2006 Anime le débat des primaires PS sur LCP

2017 Reprend le Dessous des cartes sur Arte et l’Esprit public sur France Culture

2021 Publie l’atlas du Dessous des cartes



26 septembre 2021

Pour les Français, être handicapé, c’est d’abord souffrir

Cindy Lebat, sociologue : « L’accent mis sur la déficience et la souffrance qu’elle induit entraîne une vision parcellaire de la personne en situation de handicap. » © DR

Une enquête, aussi intéressante que rare, montre à quel point les Français associent le handicap au malheur et à la souffrance. Ils perçoivent les personnes handicapées comme moins capables d’être membres à part entière de la société. 36 % estiment même qu’il est juste de leur restreindre l’accès à certains droits.

Une grande campagne nationale de sensibilisation. Emmanuel Macron l’avait promise, lors de la conférence nationale du handicap de février 2020. Elle arrivera sur les écrans à la mi-octobre pour contribuer à « changer le regard » de la société sur le handicap.

Il y a du boulot, à en croire les résultats d’une étude commandée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur les représentations et les préjugés. Le Gouvernement a, en effet, confié à cette autorité indépendante la mission de l’éclairer sur la préparation de la campagne.

Un échantillon de 2 000 répondants

La sociologue Cindy Lebat a réalisé cette étude pour le compte de la CNCDH. ©DR

En avril 2021, plus de 2 000 femmes et hommes ont répondu à un questionnaire en ligne. « Globalement, les jugements exprimés sont peu souvent radicaux », analyse la sociologue du handicap Cindy Lebat, consultante auprès de la CNCDH. Ce qui n’a rien d’étonnant, les personnes interrogées ont tendance à exprimer des avis jugés socialement acceptables.

Exemple : 89 % déclarent se sentir prêts à travailler avec une personne en situation de handicap (ce qui signifie quand même qu’un sur dix ne le souhaite pas).

Le handicap, un obstacle au bonheur

Mais passées les déclarations de bonnes intentions, les questions plus ciblées dévoilent l’image négative associée au handicap. Un tiers des Français estiment qu’un collègue devenant handicapé risque de « troubler les clients ».

Plus généralement, 64 % des personnes interrogées pensent que le handicap est un obstacle au bonheur et à une vie épanouie. Et près d’une personne sur deux déclare qu’elle serait inquiète si son enfant se mariait avec un conjoint handicapé.

« Conscience du manque d’adaptation de la société »

« Ces réponses peuvent être le reflet d’une conscience du manque d’adaptation de la société face aux situations induites par les différentes déficiences », précise Cindy Lebat.

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« Toutefois il semble difficile d’imaginer, pour une grande partie de la population, que le handicap puisse être lié à une identité positive, poursuit-elle. Il est d’abord ramené à la déficience fonctionnelle et aux difficultés que cette déficience engendre. »

Un mouvement de rejet du handicap

Plus inquiétant, certains chiffres témoignent même d’un phénomène de rejet. 31 % des Français pensent, en effet, qu’il « vaut mieux éviter que les personnes en situation de handicap aient des enfants ». Et si elles en ont, 19 % jugent préférable de les confier à une autre personne ou à une institution.

« Et si un de vos enfants se retrouvait handicapé sévèrement suite à un accident ou à une maladie ? » 23 % avouent alors qu’ils auraient des difficultés à être fiers de lui.

Le handicap, un incident à vite réparer ou une tragédie pour la vie

« Le handicap n’est globalement pas perçu comme une étape marquant une transition dans un parcours de vie, et pouvant potentiellement ouvrir à la construction d’une identité positive, analyse Cindy Lebat. Il apparaît davantage soit comme un incident, qu’il importe de vite réparer pour revenir à une vie normale, soit comme une tragédie marquant le début d’une vie de souffrance et de tristesse. »

Cette perception laisse peu de place à la possibilité de voir la personne en situation de handicap comme capable de trouver une place dans la société, avec son handicap. 36 % des Français estiment ainsi qu’il est justifié de restreindre l’accès à certains droits du fait de certains handicaps.

Le regard, aussi une affaire de droits

« On ne peut pas demander aux Français de changer de regard sur le handicap sans, dans le même temps, rendre la société plus accessible aux personnes handicapées, pointe Cindy Lebat. Les deux vont de pair. » Communiquer, oui, mais pas sans agir pour les droits.

20 septembre 2021

Velléitaire ou volontaire?

 

Cinq mots que nous confondons presque systématiquement

● Velléitaire ou volontaire?

Le mot décrit les paresseux; ceux qui ont de grands projets dont on ne voit pas le jour; «celui qui se voit déjà gardien de but mais qui ne s’inscrit pas à un club de foot». L’adjectif «velléitaire» s’emploie pour qualifier celui «qui n’a que des intentions fugitives, qui est incapable de prendre des décisions et de passer aux actes». Ces indécis qui, plutôt que d’affronter un éventuel échec, préfèrent ne pas agir. Le «volontaire», lui, est une personne «qui fait preuve d’une volonté ferme, d’obstination».

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